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Maurice-Ruben Hayoun : l’honneur de l’Université à Genève

 

Sur le vif - Et dans la noire chaleur de la colère - Vendredi 20.03.09 - 09.50h

 

Barrès, dans la « Colline inspirée », parle des lieux où souffle l’esprit. On pourrait en dire autant de certains hommes, certaines femmes : les approcher nous transforme, les fréquenter nous élève. Rend plus salé, plus piquant, dans l’improbable brouillon de nos entrailles, le sentiment déjà si pointu de vivre et d’exister. C’est exactement ce qui m’advient chaque fois que je rencontre Maurice-Ruben Hayoun. Par la clairvoyante cécité des ondes, dans la lumière d’un plateau TV, ou encore plus en dévorant ses ouvrages exceptionnels sur la philosophie juive.

Sans lui, sans cet homme-là, moi, pourtant germaniste, je n’aurais, par exemple, jamais entendu parler de Moïse Mendelssohn, ce génie des Lumières allemandes au XVIIIème siècle. Ni de Theodor Lessing. Ni de Léo Baeck. Ni de tant d’autres. Maurice-Ruben Hayoun m’envoie ses livres, je les lis. Il m’appelle, je l’appelle, nous échangeons, et chacune de ses interventions audiovisuelles jaillit comme un faisceau d’étincelles dans la pénombre de nos ignorances. Homme de liens, de ponts : l’étincelante toile de son univers, de Berlin à Cordoue, de la Kabbale au Talmud, c’est celle de l’araignée, infatigable dans le tissage des réseaux. Si fragile et si tendu, le fil, reflets du soleil où sublime solitude d’une goutte d’eau, sensualité des connaissances, c’est tout cela, Maurice-Ruben Hayoun.

Cet homme, aussi germaniste qu’il est hébraïsant, se trouve correspondre régulièrement, dans la langue de Hölderlin et de Paul Celan, avec un certain Ratzinger, brillant intellectuel aujourd’hui un peu égaré dans la papauté. Cet homme, Hayoun, connaît mieux, et au scalpel, les contours de l’identité catholique que bien des théologiens professionnels de cette religion. Moi catholique, le penseur juif Maurice-Ruben Hayoun m’aide à mieux me connaître, dans la crépusculaire complexité de mon chemin.

Cet homme-là, j’apprends par ma consœur du Temps Cynthia Gani, ce matin, et par un beau papier du professeur Gasteyger, qu’on envisage de lui retirer sa chaire. Pour l’heure, je contiens encore les mots qui pourraient être miens si une telle absurdité se confirmait. Autant être clair : nous serions là, asphyxiés par manque d’oxygène, sur l’ultime promontoire d’une sorte d’Everest de la bêtise. Dans un monde décidément perdu, au-delà de l’Eden, où rouleraient à terre toutes les têtes qui, peu ou prou, dépassent. Et dont le sang viendrait nourrir le terroir des tranquilles et des médiocres, des jaloux et des revanchards, des aveuglés sur ceux qui tentent, juste un peu, d’accéder à la lumière.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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