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Ueli le climatique



Sur le vif – Mardi 29.07.08 – 10.25h

On connaissait déjà Ali le chimique, voici Ueli le climatique.

Transfiguré par sa nouvelle passion d’été, la politique suisse de sécurité, l’homme-pastèque de notre luxuriant potager politique se surpasse, jusqu’à pulvériser son record.  Devenu Philippulus le Prophète, le président des Verts suisses annonce aujourd’hui, dans le Matin, que le principal ennemi de notre pays, aujourd’hui, est… la catastrophe climatique ! Le gris-vert, selon notre stratège, en est donc quitte pour abandonner le gris, et orienter toutes ses énergies contre la putative irruption d’une mousson, d’une inondation, ou d’un glissement de terrain.

Après le climat de guerre, voici donc la guerre au climat. Et mes confrères, mes consoeurs, l’univers médiatique de Suisse romande, le laissent proférer de tels ouragans sans les assortir, tout au moins, d’un commentaire. C’est assez fou, d’ailleurs, cette immunité d’Ueli Leuenberger dans la presse. De lui, et des Verts en général : le parti du bien, de la bonne cause. La version moderne, au fond, de l’hygiénisme, la salubrité, la morale. On attaque volontiers le politique, on épargne le grand-prêtre.

Il est vrai que Samuel Schmid n’est pas un bon ministre de la Défense, avec ses amitiés de colonel, ses onéreux achats d’armement, ses blindés dont l’utilité reste à démontrer, sa conception frontale de la ligne de bataille. Mais il est tout aussi vrai que ses deux prédécesseurs, Kaspar Villiger et Adolf Ogi, avaient entamé de réels et considérables efforts pour moderniser l’armée suisse. Commission Schoch sous Villiger avec Armée 95, commission Brunner sous Ogi avec Armée 21, réduction drastique des effectifs, redéfinition de la menace après la chute du Mur. Peu de pays, autour de nous, ont à ce point repensé leur système de sécurité, dans le même temps.

Tout cela, comment Ueli Leuenberger ose-t-il l’ignorer ? Soit par crasse incompétence dans le domaine, et absence totale de culture sur ce qui s’est passé avant lui, soit par mauvaise foi pour servir la seule cause qui le meut vraiment : la conquête d’un siège par les Verts au Conseil fédéral. Lorsqu’il ose avancer qu’on en est resté à la guerre froide et aux années 50, il énonce, tout simplement, quelque chose de faux. Comment se fait-il, à ce moment, que personne, nul intervieweur, nul commentateur, ne le contredise, ne lui brandisse le miroir de sa falsification ? Seraient-ils tous, comme à la fin du si beau film de Rohmer, sous l’emprise du Rayon vert ? Ou alors, on épargnerait cet homme parce qu’il est aimable et attentif aux gens, ce que je reconnais bien volontiers.

Que l’armée suisse soit au-devant de réformes majeures, c’est certain. Que l’ère de Samuel Schmid, par rapport à ses deux prédécesseurs, ait été celle d’un recul et d’une pétrification des audaces, il faut aussi en convenir. Qu’il faille se poser la question de la conscription obligatoire, redéfinir sans cesse la menace, en finir avec les achats insensés de blindés, tout cela oui. Mais on s’en était rendu compte avant l’irruption de Philippulus le Prophète, et ses tirades d’Apocalypse. Tout cela, tout cet engouffrement dans la brèche, suite à l’affaire Nef, suinte tellement l’opportunisme qu’il fallait une fois le dénoncer. Même si l’homme est aimable. Même s’il cuisine bien. Même s’il sait user, à l’image du renard de la fable, de ces tonalités doucereuses et trompeuses qui endorment les méfiances.

Pascal Décaillet




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