Édito Lausanne FM – Mardi 19.02.08 – 07.50h
Liberté de choix ! Les bras peuvent nous en tomber, mais c’est ainsi : l’Union européenne laisse à l’ensemble de ses pays membres la liberté de choix pour reconnaître ou non l’indépendance du Kosovo. Il appartiendra, dit Bruxelles, à chacun de se prononcer en fonction de ses règles juridiques.
En langage diplomatique, cela s’appelle « liberté de choix ». En cuisine politique, cela s’appelle une soupe épaisse. Car enfin, que se passe-t-il ? Confrontée à un phénomène majeur, peut-être historique, vu par certains comme une violation du droit international, par d’autres comme l’émergence salutaire d’une liberté collective, l’organisation qui prétend fédérer les peuples d’Europe n’est absolument pas capable de parler d’une voix claire. Alors, elle décrète la « liberté de choix ». Bref, dès que vient poindre un peu l’odeur de la poudre, la « diplomatie européenne » montre avec éclat qu’elle n’existe pas, qu’elle n’est rien d’autre qu’une fiction administrative. Elle ne représente aucun peuple, ne peut s’appuyer sur aucune légitimité. La réalité de 2008, c’est encore l’Europe des nations.
Dans l’affaire du Kosovo, la pluie des réactions, dans la journée d’hier, est une pluie du passé, une pluie de 1914 ou presque (juste la France a changé), une résurgence des vieilles frontalités du continent européen. L’Allemagne, qui n’a cessé, dès juin 1991 et même avant, de tout entreprendre pour démembrer l’ancienne Yougoslavie et reposer ses pions sur ses zones d’influence, s’est précipitée à reconnaître le Kosovo. Comme elle l’avait fait pour la Croatie et la Slovénie. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis aussi, ces bons vieux piliers d’une Otan qui bombardait Belgrade il n’y a même pas neuf ans.
L’Espagne, par peur du précédent basque et pour cela seulement, s’y oppose. Avec elle, pour de tout autres raisons, les vieux alliés de la Serbie : La Russie, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie (qui craint pour ses minorités magyares), et Chypre. Ça n’est pas l’Europe de 2008 qui s’est dessinée hier dans les réactions des chancelleries : c’est celle d’août 1914.
A une exception notable : celle de la France. Qui avait encore, sous Jacques Chirac, une politique étrangère. Et qui, aujourd’hui, n’a rien d’autre que la politique étrangère des Etats-Unis d’Amérique. Ou de l’Allemagne. Le vrai point faible de Nicolas Sarkozy, ça n’est pas ses affres sentimentales. Non. C’est la disparition, sur la scène mondiale, de quelque chose de grand, de non-aligné, qu’avait incarné le général de Gaulle. Mais aussi, autrement, avec d’autres intonations, François Mitterrand. Mais encore, avec une vraie cohérence diplomatique, Jacques Chirac. Cela était plutôt beau. Cela sonnait juste et bien. Cela dissonait parfois avec grandeur. Cela s’appelait la voix de la France.