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Dimanche noir, quinze ans après


Chronique parue dans le Nouvelliste du jeudi 06.12.07

 

Il y a quinze ans, jour pour jour, à l’issue d’un débat national homérique, le peuple et les cantons suisses refusaient l’Espace économique européen. Toute ma vie, je me souviendrai de cette dépêche, 15.22h, la majorité des cantons qui bascule vers le non, donc niet à l’ensemble du projet. J’étais à la radio, j’avais fait un premier commentaire en direct, sur le vif, la gorge serrée, l’impression que mon pays ratait un rendez-vous historique avec son destin. Jean-Pascal Delamuraz, quelques heures plus tard, parlait de « dimanche noir ». Nous étions beaucoup de Romands, ce soir-là, à nous sentir très tristes.

 

Quinze ans après, je me rends compte, rétrospectivement, à quel point nous aurions dû, tous, relativiser quelque peu cet enjeu. A l’époque, j’étais correspondant parlementaire à Berne, Romand, très influencé – et même franchement impressionné – par le courage, l’autorité morale, l’immense charme naturel de Jean-Pascal Delamuraz. Avoir approché un peu cet homme, toute ma vie, restera un honneur. Franchement dit, nous les journalistes de Suisse romande, dans ce combat-là, nous étions avec lui. Rares étaient les opposants. Je dois le dire aujourd’hui, le concéder : ils avaient du courage. Parce que nous formions, autour du oui à l’EEE, dans ce Palais fédéral qui est comme une chambre d’échos réflexive, une forme de pensée dominante, tout ce que je condamne aujourd’hui, dans tant de domaines.

 

D’autant que la suite ne leur a pas vraiment donné tort, à ces opposants de l’époque : quinze ans après, la Suisse de 2007 se porte, économiquement, à merveille, elle a su conclure un réseau d’accords sectoriels compensant à bien des égards le non du 6 décembre 1992, elle a retrouvé sa fierté dans ses rapports avec l’Union européenne, ne se laisse pas faire, sait affirmer ce qui est négociable, ce qui ne n’est pas. Pendant ce temps, l’Union européenne, trop vite élargie, trop complexe, trop administrative, pas assez politique, coupée des peuples qui la forment, traverse une crise interne d’une rare gravité. Beaucoup de nos voisins envient notre système, notre démocratie directe, notre fédéralisme. Pourquoi devrions-nous en rougir ?

 

Quinze ans après, que reste-t-il du 6 décembre ? Le souvenir d’une bataille politique hors du commun. Le regret, comme journaliste, d’avoir été un peu trop dans la meute. La mémoire d’un homme, perdant d’un soir, mais qui avait gagné les cœurs : Jean-Pascal Delamuraz. Cela, je ne l’oublierai pas.

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