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Les grilles, la liberté, les ondes

 

Edito Lausanne FM - Vendredi 16.11.07 - 07.50h

 

Dans l’univers audiovisuel, il y a deux mots que j’ai toujours détestés : le mot « chaîne » et le mot « grille ». J’aimerais savoir quel sinistre et grisâtre garde-chiourme, un beau matin, s’est mis en tête de lancer ces horribles vocables carcéraux dans un domaine où, plus que partout ailleurs, devraient régner la liberté, l’excitant parfum du volatile, l’imagination, la créativité, l’invention.

Dans l’audiovisuel public, qui vit (je vous donne rendez-vous dans dix ou quinze ans) ses dernières années comme monopole financé par l’impôt déguisé, mais aussi, de façon plus surprenante, dans certaines offres privées, on parle encore beaucoup trop de grilles, de structures, de mécanismes lourds et incroyablement onéreux. Et on ne parle pas assez d’émissions. Le centre, pourtant, de toutes choses, l’unité amirale, ce sont les émissions.

La radio, la télévision, sont en pleine révolution, et tout cela ne fait que commencer. Longtemps, on arrivait fatigué du boulot, le soir, on prenait une cannette, on se lâchait sur le canapé, et on se disait : « Je vais regarder la télé ». Et on restait comme ça, assis, une heure, deux heures, en zappant, à regarder défiler les images. Les nouveaux supports, internet aujourd’hui, le numérique demain, vont rendre incroyablement plus sélectif le consommateur de radio et de télé. Plus question de fidélité (on se demande bien au nom de quel contrat, d’ailleurs !) à une grille. À une grille, on n’est pas fidèle : on est attaché. Mais fidélité oui, à coup sûr, par désir et par appétence, à une émission.

Les nouveaux vecteurs, déjà, nous délivrent de l’obligation de simultanéité : je n’ai pas vu, pas entendu en direct ; peu importe : je podcaste. Et ces mêmes vecteurs, assez vite, dans les années qui viennent, vont rendre complètement caducs les concepts même de grille horaire, journalière, d’enchaînement lourdingue de programmes : 24 heures d’émission par jour, etc. Pourrait-on rêver que cette heureuse évolution nous soulage un peu des apparatchiks en faveur des créatifs : ceux qui font, ceux qui façonnent, ceux qui pétrissent la glaise, ceux qui inventent, ceux qui s’exposent, ceux qui se battent.

À la vérité, les mots « chaîne » et « grille » doivent rejoindre les placards du passé. Au centre de tout, il y a des émissions. Et au centre d’une émission, il y a toujours, il doit y avoir, un homme ou une femme pour l’incarner. Et cet homme, ou cette femme, doit être totalement responsable de son émission. Assumer quand ça va bien, assumer quand ça va mal. Il doit s’exposer, prendre des risques, incarner son émission, vivre avec elle, 24 heures sur 24 dans la tête, la porter, l’enfanter. Ce pari, beaucoup plus individuel que collectif, c’est celui de la responsabilité. Et c’est celui de la liberté.


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