Édito Lausanne FM – Vendredi 02.11.07 – 07.50h
J’ai beaucoup de respect pour Marianne Huguenin et Joseph Zisyadis. Mais il faut le dire clairement, ce matin, le tour de passe-passe d’hier pour permettre à l’un de reprendre la place de l’autre au National relève du scandale politique. Imaginez, un seul instant, qu’une telle combinazione eût été le fait de personnalités UDC : nous en aurions eu pour des kilomètres de condamnations éditoriales, pendant des jours. Alors que je trouve très gentille (pour parler par euphémisme) la manière dont certaines interviews de Madame Huguenin, hier, ont été conduites. À coup sûr, le ton, face à un élu homme et de droite, eût été infiniment plus musclé.
Pour résumer, le dimanche des élections fédérales, seule Marianne Huguenin a été élue par le peuple. Joseph Zisyadis, lui, ne l’a pas été. On peut le regretter, car l’homme est talentueux et charismatique, mais c’est ainsi. Quelques centaines de voix le séparent de l’onction populaire. Et hier, on apprend, comme par hasard, que Madame Huguenin aura, tout compte fait, beaucoup trop de travail à l’exécutif de la ville de Renens, ne pourra donc pas conjuguer les deux charges. Elle renonce à siéger sous la Coupole. Et hop, magie, lapin, chapeau, revoilà Saint-Joseph, auréolé de Providence.
Joseph Zisyadis, dans cette affaire, a-t-il mis Marianne Huguenin sous pression ? Je n’en sais rien, et de toute façon, ça n’est pas lui le problème. Il y a, clairement, une responsabilité morale, devant le peuple qui l’a élue elle (et nul autre) de Madame Huguenin. Trop de travail à Renens ? Possible, mais alors il fallait s’en rendre compte plus tôt, et renoncer à une candidature au National. Non, se faire élire, avec tout ce que ce mot implique de confiance, de lien, avec le peuple, et se démettre juste après, est tout simplement indigne de la démocratie. Que Madame Huguenin soit quelqu’un de très bien, de courageux, de minoritaire, n’y change rien : ce qu’elle a fait là n’est pas acceptable.
Ce qui nous amène à la position de certains journalistes. On a eu l’impression, hier, qu’il fallait certes condamner Marianne Huguenin, mais pas trop. Parce qu’elle est femme, parce qu’elle est bien. Cela, dans notre univers éditorial, s’appelle une surprotection. On la surprotège, comme on a, pendant une décennie, surprotégé, par exemple, Ruth Dreifuss. Encore une fois, imaginez le traitement qu’aurait subi, dans les mêmes circonstances, un ignoble UDC, homme, fumeur de tortilleux cigarillos, suintant les soirées d’arrière-salle champêtre et l’accordéon folklorique ? Il aurait été, tout simplement, exécuté.
Tandis que là, mansuétude, retenue. Alors qu’il y a, clairement, déni démocratique. Notre système politique, fondé sur la qualité du lien entre les élus et leurs électeurs, mérite mieux que ce genre de manipulations.