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Sur le vif - Page 1012

  • Le nectar, le vent, le ministre

     

    Sur le vif - Dimanche 08.05.11 - 15.34h

     

    Didier Burkhalter a dit « autant ».

     

    Il a osé dire « autant ».

     

    Il aurait pu ne rien dire. Ou ne pas effleurer le sujet. Ou parler de tout autre chose, la météo, la sécheresse, l’intense fraîcheur de vivre. Mais il a dit « autant ».

     

    A Chamoson, commune dont même les extra-terrestres savent qu’elle produit le meilleur vin du monde, Didier Burkhalter, s’exprimant devant le 119ème Festival des Fanfares radicales démocratiques du Centre, dans un élan de témérité aussi mortifère que dionysiaque, vient de déclarer : « Et les nectars d’ici – je dois bien l’avouer – sont de haute tenue et me plaisent autant que les produits des coteaux neuchâtelois ! ».

     

    Il a dit « autant ».

     

    Il a osé dire « autant ».

     

    Il aurait pu se taire. Disparaître. Mourir. Non. Il a préféré nous proposer la plus ahurissante corrélation depuis que le premier humain a osé la première comparaison. Et le vent, si clément, n’a même pas emporté l’insoutenable légèreté de sa parole.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Du PDC au néant, en voiture, SVP !

     

    Sur le vif - Samedi 07.05.11 - 09.18h

     

    Dans un article incroyablement profond du Matin d’aujourd’hui, l’ex-candidat PDC à la Mairie de Genève envisage de supprimer le mot « chrétien » du nom de son parti : beaucoup de jeunes ne se reconnaîtraient pas dans ce mot.

     

    Michel Chevrolet a raison. Mais il devrait aller plus loin. À quoi bon conserver le mot « démocrate »? Tout le monde aujourd’hui, Dieu merci, est démocrate. C’est comme lorsqu’on vend de belles oranges : aux orties, les mots inutiles !

     

    On peut donc, aisément, supprimer les mots « chrétien » et « démocrate ». Et conserver le seul trait d’union. On demandera à Jean-Pierre Jobin, un membre éminent du parti, un nouveau logo (pas plus cher qu’un apéro), on fera de ce trait d’union un monde en soie, on allègera tellement le bagage conceptuel du parti qu’il n’en restera – cette fois, vraiment – plus rien.

     

    Perdre du poids, c’est bien. Reste le défi suivant : apprendre à disparaître. Vaste défi. Et la promesse de plein d’articles passionnants dans le Matin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le MCG et la splendeur des conversions

     

    Sur le vif - Mercredi 04.05.11 - 12.15h

     

    J’ai eu la chance, à l’âge de huit ans, de me rendre avec ma famille sur le chemin de Damas, en provenance de Beyrouth, via Baalbek. C’était en juillet 1966, il faisait abominablement chaud, l’autobus n’était pas conditionné, et partout, le nez collé à la vitre, dans la dévastatrice beauté de ce désert, je cherchais l’endroit où avait bien pu se dérouler la conversion du centurion Saul, pour devenir Saint Paul. Je ne l’ai, hélas, pas trouvé. Même lorsque le car a crevé un pneu, et que des Bédouins sont venus nous dire bonjour. 45 ans après, la magie caniculaire de ce voyage me fait penser, avec l’enivrante énigme d’un mirage, à l’actuel conseiller d’Etat radical à Genève.

     

    J’ai toujours été fasciné par les conversions. Celle de Claudel, le 25 décembre 1886, debout près du 2ème pilier de Notre-Dame de Paris, figure au nombre de celles qui ont le mieux habité la littérature. Dans un registre plus laïc – et sans doute un peu plus prosaïque – la conversion du magistrat précité à la préférence cantonale dépasse, en fulgurance, la longue, l’interminable martyrologie de feu, celle des saints, celle des fous, celles des miraculés, celle des illuminés, celle des stylites qui finissent assis, extatiques, sur l’extrémité d’une colonne. Il paraît même qu’ils y prennent plaisir.

     

    Mais cette conversion a une singularité : le patient la nie. Irisé, pourtant, déjà, irradié, tellement perclus de bonheur qu’il se refuse à prendre acte de la majesté du Grand Virage. Déboussolé. Plus de compas. Juste la lumière, celle qui rend aveugle. Tout s’est pourtant si bien enchaîné, précipité, en quelques jours : vendredi, dans le Temps, quelques fragments apocryphes de Saint Mark, la Bonne Nouvelle, nouveaux pôles, nouvelles frontières. Lundi, confirmation par le Conseil d’Etat de la nouvelle politique, et surtout de la nouvelle rhétorique. Ce matin, dans la Tribune de Genève, le zèle des convertis. L’Epître à Sandrine, cendre et poudre, fureur, gémonies. Nouvelles victimes, Nouvelles proies. Nouveaux repères. Retour du compas. Nouvelle géométrie, pleine d’inconnues. Aussi belles qu’une Fille de Jérusalem. Dans l’étouffante splendeur du désert.

     

    Pascal Décaillet