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  • Faire, pas être !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.11.22

     

    Nous voulons une femme, avec enfants en bas âge. Nous voulons un homme, alémanique, d’une région périphérique, facteur Rhésus négatif, de souche catholique, mais surtout pas pratiquant. Nous voulons une femme romande, de gauche, végane, sensible au style de Proust et à la musique de Fauré.

     

    Nous voulons un homme, féministe, roulant à vélo, ayant installé lui-même les panneaux solaires sur le toit de sa maison. Nous voulons une femme, bourgeoise, européenne, cultivée, non-fumeuse, pratiquant le ski de fond et la mobilité douce. Nous voulons un homme, centriste mais pas trop, adepte du sauna et des médecines alternatives.

     

    Moi, je veux, au plus haut niveau de notre pays, un homme ou une femme d’Etat. Son parti, ses origines cantonales, ses préférences culinaires ou sexuelles, ne m’intéressent pas. Son rapport à la morale, non plus. Je ne veux pas particulièrement un « homme bien », ni une « femme bien ». Je ne demande pas à un décideur politique d’ÊTRE bon. Ce qu’il EST ne m’intéresse pas. Je lui demande de FAIRE. Car la politique est action.

     

    Tout le drame, aujourd’hui, est d’avoir oublié cette dimension philosophiquement existentielle de la politique : une capacité d’action, au service du pays. Qui agit, je m’en fous, c’est l’action elle-même qui m’intéresse. On a oublié cela, et on l’a remplacé par les points de vue et les images de la personnalisation. On nous parle des gens, on les juge avec des critères de petits bourgeois au moment de l’apéro. On oublie juste le pays, ses intérêts vitaux.

     

    Pascal Décaillet

  • Bienvenue dans le caporalisme énergétique !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.11.22

     

    La Saint-Nicolas se rapproche, c’est la saison des Pères fouettards. Vous savez, ces bons bougres barbus, en apparence débonnaires, en réalité punitifs et méchants. Au plus haut niveau de la Confédération, nous en avons eu un pendant deux ans, de Père fouettard : il s’appelait Alain Berset, et nous a régentés comme des gamins pendant toute la crise du Covid. Hyper-présence médiatique, la moindre conférence de presse (y compris dénuée de tout intérêt) relayée en direct par un service public aux ordres, que va-t-il décider, que va-t-il nous annoncer, la Suisse apeurée à l’approche du Maître. Déjà, ici même, sur cette page, nous le dénoncions. Mais l’immense majorité laissait faire : « C’est un peu rude, mais que voulez-vous, c’est pour notre bien ». Fantastique syndrome de Stockholm, où la victime en vient à chanter les louanges de celui qui lui vole sa liberté.

     

    Nous eûmes donc Alain Berset. Et voilà que nous commençons à avoir Guy Parmelin. Le thème a changé, désormais c’est la crise énergétique, mais les postures caporalistes sont les mêmes. On annonce des mesures. On les met en consultation. On donne les résultats de la consultation. On procède par ordonnances. On infantilise totalement les citoyennes et citoyens suisses, en déclarant procéder par « gradation » : de l’étape 1 à l’étape 4, exactement comme un régent d’école primaire, « si cela ne suffit pas, nous passons au degré suivant ». Guy Parmelin, conseiller fédéral chargé de l’économie. Nouveau Grand Maître dans l’art de mettre au pas les Suisses. Là aussi, une première apparence badine ou pateline, qui ne doit en aucun cas tromper notre sens critique : sous le masque, une autorité d’inspecteur qui n’entend pas être remise en cause.

     

    Alors oui, nous voilà partis pour la Farce de Maître Parmelin. Le bon Vaudois des vignes, faussement gentil, qui s’apprête, comme Alain Berset, à nous dévoiler un autre visage, plus rude : celui de la verticalité, si peu conforme à nos traditions suisses, du gouvernement par ordonnances. C’est notre 49,3 à nous, cet article français qui permet de procéder par ukases, sans trop s’encombrer du Parlement, et dont semble d’ailleurs raffoler l’actuelle Première ministre, Mme Borne. Alors, comme sous Berset, voilà que le plus haut niveau du pays recommence à menacer d’entrer dans les détails les plus triviaux de nos vies privées. Si vous n’êtes pas sages, adieu Netflix, adieu les lessives à plus de 40 degrés, adieu les remontées mécaniques, bonjour la peau de phoque et les douves de tonneau, adieu le repassage. On se réjouit de voir le ministre fédéral de l’économie tenir une conférence de presse avec une chemise froissée, il faudra bien qu’il montre l’exemple, non ?

     

    Alors, quoi ? Nous allons nous laisser faire ? Demeurer bras ballants, comme sous Berset ? Attendre des jours meilleurs ? Laisser passer l’hiver ? Vous avez envie, vous, de faire le dos rond ? Moi, pas vraiment. Sans doute un effet de mon sale caractère. Excellente semaine ! Et ne prenez pas froid !

     

    Pascal Décaillet

  • Bernard Crettaz, la nécessité de l'intense

     
    Sur le vif - Mardi 29.11.22 - 14.32h
     
     
    Avec son éternel pull rouge et ses cheveux en bataille, la clarté de sa voix, ses accents de gravité qui surgissaient comme d'un glacier, avec son regard de chasseur dans les minutes juste avant l'aube, Bernard Crettaz, citoyen d'Anniviers et du monde, vous signifiait par sa présence la nécessité de l'intense.
     
    Je vais être clair. Avant Bernard Crettaz, l'ethnographie, dans nos têtes, c'étaient des expositions colorées sur des peuplades très lointaines. Une promenade du dimanche après-midi, pour enfants et familles, au pays des Jivaros et de l'Oreille cassée. Couleurs, totems, tabous, assez fascinant. Mais c'était toujours l'Autre.
     
    Avec Crettaz, l'ethnographie, c'était nous. Magie absolue de cette Annexe du Musée d'ethnographie, dans une vieille maison de Conches, avec jardin donnant sur l'Arve, vue plongeante sur le Salève, odeurs de bois et de greniers, "galetas", comme on dit en Valais. Certains de mes plus beaux dimanches, je les ai passés là. En présence des morts.
     
    Car ces expos de Crettaz nous parlaient de la mort. En Valais, dans les vallées. Dont il se trouve que ma mère et mon père étaient l'un et l'autre natifs, dans la même année 1920, l'une à Orsières, l'autre au Châtelard. Alors, aller visiter une expo sur les rituels de la mort, du transit, du passage, le bout de fromage et la bouteille comme viatique, dans les montagnes valaisannes, c'était quand même autre chose que se colorer l'âme avec le parfum d'exotisme de Java ou de l'Orénoque. Parce que là, Crettaz me donnait à voir la liturgie funéraire de mes propres ancêtres, par exemple celle de ces quatre grands-parents que je n'ai, hélas, jamais eu la chance de connaître. On n'est plus chez le Général Alcazar. On est chez soi.
     
    Bernard Crettaz nous parlait de la mort, comme son épouse Yvonne Preiswerk, mais il était un homme de vie et de lumière, de soleil et de neige, de la chaleur d'ici et de la glace d'en-haut. Il y avait en lui le vin des montagnes, celui du glacier, et puis le viatique de toujours. La nourriture terrestre, pour nous accompagner au-delà du rivage. A ses proches, toutes mes pensées. A lui, je dis "Bon voyage !". Et toute ma reconnaissance : vous m'avez fait comprendre que nulle recherche de l'Autre ne pouvait s'offrir l'économie de la connaissance de soi.
     
     
    Pascal Décaillet