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  • La politique, dans les nuages

     
    Sur le vif - Lundi 14.06.21 - 15.01h
     
     
    Vous pouvez tournicoter tant que vous voudrez. Tant que vous ne résoudrez pas la question du pouvoir d'achat des classes moyennes, prises à la gorge par les taxes, les impôts, les loyers et les primes, dévorées d'inquiétude pour leurs retraites, et ne touchant pas - elles - un seul centime de subvention, vous continuerez à tourner en rond, entre vous, à des millions d'années-lumière des vraies préoccupations de nos compatriotes.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Ces jours salés où la mode se démode

     
    Sur le vif - Dimanche 13.06.21 - 14.44h
     
     
    Il y a des jours, comme ça, où la mode se démode. Des jours où la petite pointe de modernité, sur l'extrême commissure de la langue, dégage comme un goût salé d'archaïsme. A force de vouloir faire jeune, il arrive qu'on prenne un méchant coup de vieux.
     
    Ce dimanche 13 juin est un jour de défaite, non pour les Verts qui mènent bataille loyalement pour leurs idées, mais pour la frange Rethondes de ceux qui n'en peuvent plus de verdir. Non par conviction, mais pour se raccrocher à l'air du temps. Pour être dans le coup, on oublie ses valeurs à soi, on s'arrime au discours dominant, on se repeint de modernité, chacun a sa manière de lutter contre la mort.
     
    Pendant toute cette campagne, j'ai dénoncé ici, non les Verts, mais l'infinie faiblesse, de coeur, d'intellect et de caractère, avec laquelle d'autres partis s'alignaient sur les Verts. Sur le discours des Verts. Sur les tics de langage des Verts : "urgence climatique", "neutralité carbone", etc. Le combat politique, dans notre magnifique démocratie directe suisse, exige courage et clarté : que les Verts soient les Verts, que les libéraux nous parlent responsabilité individuelle, que les radicaux nous parlent de l'Etat, des petits entrepreneurs, des classes moyennes, plutôt que de plagier la langue des adversaires.
     
    Le peuple suisse est profondément attaché à la nature, et à la protection de la planète. Il l'a montré, en soutenant maintes fois le prodigieux combat pour la vie, et pour les paysages, d'un homme comme Franz Weber. Nos paysans, depuis des décennies, s'engagent pour l'environnement : lequel d'entre eux aurait-il le moindre intérêt à empoisonner sa propre terre ? Depuis la seconde partie du 19ème siècle, et les premières Ligues du Patrimoine, en réaction à la surexcitation industrielle de certains radicaux zurichois, notre pays est devenu le lieu d'une conscience environnementale, bien avant l'arrivée des Verts.
     
    Mais le peuple suisse n'aime qu'on lui raconte des salades. Il a besoin d'un climat de confiance avec les autorités, non de flicage et de taxes permanentes. C'est un peuple mûr, adulte, vacciné, il n'a nul besoin que des prophètes d'Apocalypse lui dictent ses choix politiques. C'est cela, la grande leçon de ce dimanche 13 juin. Non contre les Verts, mais contre la surpuissance d'une doxa devenue étouffante. Si vous voulez convaincre nos concitoyens, il vous faudra trouver d'autres mots, d'autres tonalités. C'est cela, notre démocratie suisse.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Brecht, à haute voix : le souffle de la vie !

     
    Sur le vif - Samedi 12.06.21 - 17.30h
     
     
    Profs d'allemand, lisez Brecht avec vos élèves ! Ou plutôt, faites-le lire à vos élèves, en allemand, à haute voix, chacun dans un rôle (puisqu'il s'agit, officiellement, de théâtre). Reprenez la scène dix fois, vingt fois, pour que chacun de vos disciples incorpore, par le jeu du ventre, du souffle et de la voix, chaque syllabe. Comme en musique. Et pour les parties du choeur (puisqu'il s'agit officiellement de théâtre), prenez la musique sublime de Kurt Weill, et chantez tous ensemble !
     
    "Il s'agit officiellement de théâtre", c'est la troisième fois que je le dis. Pourquoi cette insistance ? Parce que nous sommes là dans l'un de mes plus vieux combats, il a au moins 45 ans. Bien sûr que Brecht est un auteur de théâtre, c'est même le plus grand dramaturge de la littérature allemande ! Mais j'affirme, depuis la fin de mon adolescence, et cette période où je suis vraiment entré dans Brecht, que nous avons affaire à l'un des plus grands poètes, l'un des plus puissants inventeurs de mots, de la langue allemande moderne. L'autre, c'est peut-être bien Martin Luther, quand il traduit la Bible, en 1522.
     
    Et, voyez-vous, les profs qui se contentent d'instiller à leurs élèves, sur Bertolt Brecht, les puissantes théories dramaturgiques sur la distanciation, je veux dire ceux qui se contentent de ce discours, je leur en veux depuis 45 ans. Parce qu'ils répètent un topos, appliquent une matrice, une grille d'interprétation, certes pertinente. Mais ils oublient une chose : laisser parler la phrase de Brecht, ou le vers brechtien, les laisser accéder à l'univers sonore, laisser la musique propre à ce langage hors-pair (en plus de celle de Kurt Weill), envahir l'air ambiant. C'est la condition sine qua non à l'avènement de la féérie contenue dans le texte.
     
    Car Brecht est un poète. Comme on lit Hölderlin à haute voix, dans toute la rigueur de sa métrique et de sa prosodie, restituons à ces textes toute leur vertu de Hörspiel : de la langue écrite pour être dite par les uns, et entendue par les autres. Décortiquer le rythme, s'imprégner des syllabes, faire de l'élève un diseur et un acteur du texte, voilà qui me semble au moins aussi important que leur répéter des théories dramaturgiques ne touchant, au fond, que les spécialistes du théâtre.
     
    Et puis, ce mot, "Distanzierung", est tellement effrayant ! Vous déboulez avec ce vocable, et l'élève, face à vous, sera comme pris de panique en se demandant s'il va comprendre quelque chose à ces tortueuses réflexions sur le statut de l'auteur, du personnage, de l'émetteur, du public, du récepteur. Toutes choses pertinentes, certes. Mais enfin, la part du poète, du jongleur de mots, du travail sur un Hölderlin et un Sophocle (Antigone), la résurgence d'expressions souabes sous la langue allemande, cela aussi mérite d'être travaillé.
     
    Profs d'allemand, lisez Brecht ! A haute voix, avec vos élèves. Les parties du génial Kurt Weill, chantez-les, tous ensemble. Faites de votre cours un lieu de souffle et de vie. Et ne vous prenez pas trop la tête avec les théoriciens de la dramaturgie.
     
     
    Pascal Décaillet