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  • Rameau, une oeuvre pour la vie et pour la mort

     

    Sur le vif - Mardi 10.12.19

     

    C'est à l'automne 1968 que j'ai entendu parler pour la première fois de Jean-Philippe Rameau. En cette dernière année de l'école primaire (68-69), nous avions une ou deux heures d'initiation à la musique par semaine, avec un professeur d'exception : le jeune Philippe Corboz, qui fera plus tard la carrière qu'on sait. Je chantais aussi dans sa Maîtrise.

    De Rameau, il avait dû nous jouer au piano "Les Sauvages", le thème le plus connu des Indes Galantes. Mais nous avions droit, tout autant, à la musique de Couperin, ou au Carnaval des Animaux, de Saint-Saëns.

    Rétrospectivement, je me rends compte de la chance immense que nous avions d'avoir un tel maître, pour nous initier. Il y a un demi-siècle, si vous ne veniez pas d'une famille de musiciens, ou tout au moins de mélomanes, quel accès aviez-vous aux grandes oeuvres ? Il fallait avoir, à la maison, un tourne-disques, et surtout... quelques disques !

    Plus de cinquante ans après cette première rencontre, le génial Jean-Philippe Rameau (1683-1764) occupe dans mon âme l'une des toutes premières places. N'est-il pas, avec Berlioz et Debussy, l'un des plus grands musiciens français ? Il a enchanté le siècle de Louis XV, il a fait rayonner la musique française au temps de Bach et de Haendel. Il a porté les voix des humains, celles de femmes comme celles des hommes, à leur firmament. Il a composé des mélodies inoubliables. Il a raconté des histoires, fait vivre les musiciens et les corps de ballet, bouleversé les cœurs de ses contemporains.

    Je me réjouis infiniment, en direct ce soir 19h, d'en parler aux Yeux dans les Yeux, avec le Maestro Leonardo Garcia Alarcon, qui dirigera les Indes Galantes (1735), au Grand Théâtre, du 13 au 29 décembre.

    Pour le temps qu'il me reste à vivre, je veux tout savoir de Jean-Philippe Rameau. Tout savoir de cet homme, de son oeuvre, de la musique sous Louis XV, de cette France de fin d'Ancien Régime, portant déjà comme la nostalgie anticipée de sa disparition. La musique n'est-elle pas, comme tous les opéras de Rameau, une affaire de jour et de nuit, d'aube et de crépuscule, d'intimité de soi et d'acceptation de l'autre (comme dans les Indes Galantes), et finalement, de vie et de mort ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Quelques mots à propos du PS genevois

     

    Sur le vif - Mardi 10.12.19 - 10.20h

     

    Le socialisme est une grande philosophie politique, je l'ai étudiée à fond, notamment dans son Histoire allemande, suisse et française. De l'Allemand Willy Brandt au Bâlois Hanspeter Tschudi, certains sociaux-démocrates font partie de mon panthéon personnel.

    A Genève, le parti socialiste nous a donné deux hommes d’État, André Chavanne (1961-1985) et Christian Grobet (1981-1993). Que l'on partageât ou non leurs options, ces deux-là avaient le format ; le premier, par l'envergure intellectuelle ; le second, par le courage, la puissance de travail, l'intégrité, l'intransigeance.

    Le socialisme genevois fait partie, totalement, de notre paysage politique. Il est dans notre Histoire, dans notre présent, sans doute dans notre avenir. Avec les socialistes, je diverge totalement sur certains points (nombre de postes à l’État, fiscalité, etc.), et converge sur d'autres (Caisse unique, Caisse publique, réforme des retraites vers plus de mutualité). Je ne suis assurément pas socialiste, loin de là, mais je les respecte.

    A Genève, le socialisme vaut infiniment mieux que ses querelles internes. Comme tout appareil trempant dans le pouvoir, il a ses églises et ses paroisses, ses fidèles et ses infidèles, ses dogmatiques et ses hérétiques, son système de prébendes et de clientélisme, ses hobereaux, ses féodaux, ses fermiers généraux.

    Ce qui, de l'intérieur, l'a corrodé, ce ne sont pas les divergences idéologiques, par exemple entre sociaux-démocrates et gauche plus radicale. Non, c'est tout simplement le pouvoir. Oui, cette saloperie de pouvoir qui, toujours et partout, quels que soient les hommes et les femmes, dissout les liens, corrompt les âmes.

    Paradoxe : deux personnages de la crise actuelle sont justement des hommes d'une rare qualité. D'abord, le partant, Jean-Charles Rielle, infatigable militant, homme de coeur et d'enthousiasme, doté d'une vivifiante chaleur humaine, et d'un sourire qui dit oui à la vie. Et puis, l'actuel président, Gérard Deshusses. Un homme de sagesse et de culture, un conciliateur. Une envergure intellectuelle et spirituelle dont Genève a besoin.

    Je ne suis pas socialiste, mais ne suis pas insensible, non plus, à l'âme des gens. Une idéologie ne sera pas sauvée par la sainte géométrie de ses angles. Mais par la richesse humaine, imparfaite et périssable, mais sublimant la vie, de ceux qui la portent.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les rails du désir

     

    Commentaire publié dans GHI - 04.12.19

     

    Jamais, dans l’Histoire de Genève, un tronçon ferroviaire n’aura été à ce point chouchouté par les autorités ! Le CEVA, alias Léman Express, qui sera inauguré jeudi 12 décembre, jour de l’Escalade, attendu depuis plus d’un siècle, aura fait fantasmer notre classe politique, comme nul autre objet du désir.

     

    Tiendra-t-il ses promesses ? Ces rutilantes rames transfrontalières, parviendront-elles à dissuader nos amis frontaliers de prendre leur véhicule, et venir engorger Genève ?

     

    Si la réponse est oui, nous aurons à nous en féliciter. Si, par malheur, elle devait s’avérer négative, ou même moyennement convaincante, alors il conviendra de tirer le bilan de quinze années de promesses mirobolantes, soutenues par une idéologie transfrontalière camouflant les appétits de croissance de petits profiteurs locaux, taraudés par l’aubaine d’une main d’œuvre moins regardante sur les salaires.

     

    Car le véritable enjeu du CEVA, ça n’est pas le train. Ce dernier, sympathique par excellence, n’est que l’appât. Non, l’essentiel, c’est le combat homérique pour ou contre la libre circulation des personnes, dans le cas précis d’un bassin transfrontalier. Les wagons du 12 décembre ne sont qu’un prétexte. Au centre de tout, il y a notre rapport à la frontière, à la souveraineté, à la préférence indigène. C’est cela, la vraie Histoire du CEVA. A l’heure où va tambouriner la propagande des rites inauguraux, un minimum de lucidité et d’esprit de résistance n’est pas de trop.

     

    Pascal Décaillet