Éditorial du Giornale del Popolo, publié ce matin en première page, en italien.
Ignazio Cassis (TI), Isabelle Moret (VD), Pierre Maudet (GE): un ténor de la politique nationale, chef du groupe à Berne, parfaitement polyglotte ; une efficace et consciencieuse parlementaire fédérale ; un politicien professionnel, calciné d’ambition depuis le berceau, à la fois visionnaire et (un peu trop) beau parleur. C’est dans ce trio que le groupe parlementaire PLR aux Chambres fédérales devra choisir, le 1er septembre, le ticket qu’il proposera le 20 septembre à l’Assemblée fédérale pour la succession de Didier Burkhalter. On peut imaginer que deux de ces trois personnes seront retenues. Et la troisième, écartée. Mais qui ? Impossible, pour l’heure, de le savoir. Nous verrons bien. L’art du journalisme n’est pas de se perdre en pronostics, mais d’analyser le réel. Comme on scrute la réalité, bien tangible, d’un terrain.
Ticket équilibré, oui. Tout pour plaire. Tout pour satisfaire la fragilité de nos équilibres suisses : un Tessinois (enfin !), une femme, un surdoué de la politique genevoise, aussi exaspérant que brillant. Deux parlementaires fédéraux, un conseiller d’Etat. Même la diversité des âges est respectée : Pierre Maudet 39 ans, Isabelle Moret 46, Ignazio Cassis 56. A première vue, le triangle parfait : isocèle, équilibré, respectueux des différences, politiquement correct à l’extrême, version moderne et tellement rassurante des Trois Suisses. L’Assemblée fédérale aime qu’on lui laisse un choix. Elle sera servie.
Depuis la victoire du Vaudois Georges-André Chevallaz, en 1973, sur le candidat officiel des radicaux, le Genevois Henri Schmitt, en passant par Jean-Pascal Delamuraz (1983), Pascal Couchepin (1998) et Didier Burkhalter (2009), j’ai suivi toutes les élections d’un Romand au Conseil fédéral. Je dis « d’un Romand » et pas « d’un Latin », parce que ce dernier mot ne veut pas dire grand-chose : il n’existe pas, dans une élection à l’exécutif suprême de notre pays, de solidarité entre la Suisse de langue française et celle de langue italienne, contre les « méchants Alémaniques ». A la vérité, chacun roule pour soi, chaque écurie, chaque clan. On encense son candidat, on tente de noircir l’adversaire, on occupe au maximum les médias, on s’emploie à contrôler l’agenda politique.
Dans cet exercice d’hyper-propagande, où la communication emporte tout, comme un torrent, sur son passage, le Genevois Pierre Maudet, beau parleur devant l’Eternel, est roi. Toujours là pour nous laisser entendre qu’il a inventé l’action politique, qu’il va la rénover de fond en comble, que rien n’a existé avant lui, que sa jeunesse amènera au pouvoir une nouvelle génération. De quoi lasser, ou tout au moins retenir, ceux (dont je continue de faire partie) qui admirent son intelligence, sa culture politique, l’ampleur de ses vues. En un mot comme en mille, Maudet s’exprime bien, mais il en fait trop, au risque de taper sur les nerfs de ses propres supporters. Il faudrait un jour que ce garçon se calme un peu dans le registre de l’auto-promotion.
Face à lui, Isabelle Moret. Avocate, vice-présidente du PLR suisse, compétente sur les dossiers, parlementaire fédérale depuis plus d’une décennie, un peu desservie par une voix trop haut perchée (d’où son surnom de Fée Clochette), jouissant d’un excellent réseau à Berne, présidente de la faîtière des Hôpitaux suisses (d’aucuns lui reprocheront ce lien), mais enfin au final une personne de qualité dans l’environnement politique suisse, parfaitement connue de l’Assemblée fédérale, ce qui pourrait représenter, le 20 septembre (si elle est retenue dans le ticket) un avantage non-négligeable.
Enfin, celui que vous, amis de la Suisse italienne, connaissez le mieux, Ignazio Cassis. Candidat unique, le 1er août dernier, du PLR tessinois ! Chef du groupe. Jugé (en Suisse romande) trop lié au monde des assureurs. Très compétent, polyvalent, parlant un français impeccable, prêt à combler le vide créé, en 1999, par le départ de Flavio Cotti. Et le dernier radical tessinois, c’était Nello Celio, autant dire la Préhistoire ! Il fait figure de favori, mais il connaît le proverbe : « Qui entre Pape au Conclave en ressort Cardinal ». Face à lui, pour la prochaine étape déterminante, le choix du ticket par le groupe PLR aux Chambres fédérales, ce Ténor aura les multiples qualités d’une Fée et les accents de renouveau d’un Beau Parleur. Assurément, trois candidats de valeur. Mais, le 20 septembre, en fin de matinée, il n’y aura qu’un seul élu. Rien, pour l’heure, ne nous permet de deviner lequel aura l’avantage.
Pascal Décaillet