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  • Notre Rhône à nous

     

    GHI - Mercredi 02.07.14 - Page spéciale Rhône - Texte principal

     

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    J’en ai vus, des fleuves, Dniepr et Jourdain, Guadalquivir, Niagara. Je me suis baigné dans l’Elbe, dans mon adolescence allemande, avec un ancien combattant du front russe, j’ai guetté les oiseaux dans le delta du Pô, murmuré Hölderlin le long du Rhin et du Neckar. Mais toujours, comme tous les habitants de Genève, j’en reviens au Rhône. Parce qu’il est, de mes origines valaisannes à mes passions camarguaises, le fleuve total. Celui de la naissance et de la mort, des eaux vertes et bleues, celui des milans noirs qui surgissent fin avril, promesses de renouveau. Il est notre destin. Jamais au monde je ne voudrais vivre au bord d’un autre cours d’eau. Il était là avant, nous survivra, nous sommes ses visiteurs, ses passants.

     

    Mes deux parents, en Valais, sont nés au bord d’un affluent du Rhône. Mon père, au bord de l’Eau Noire, qui rejoint le grand fleuve par le Trient, ma mère au bord de la Dranse d’Entremont. Maintes fois nous sommes montés au glacier, à la Furka, l’avons vu rétrécir au fil des décennies. Maintes fois, nous descendons en son double estuaire, Port Saint Louis ou les Saintes Maries, pour le Petit Rhône. Toujours les mêmes eaux, juste enrichies de tous les trésors minéraux du limon français, Ain, Saône, Ardèche, ou surtout l’exceptionnelle Durance, ultime fiancée des derniers kilomètres, avec ses cortèges de hérons et toute l’Histoire sablonneuse de ses méandres. Souvent, je me suis demandé si ça n’était pas le Rhône qui se jetait dans la Durance, dans ses bras, pulsion de mort et de transgression.

     

    Genève est fille de l’Arve et fille du Rhône. Car enfin, là aussi, qui se jette dans qui ? Enfant, de la Bâtie, je posais la question à mon père, tant me frappait l’égalité d’envergue de la rivière et puis du fleuve, celui-ci bleu-noir, celle-là turquoise comme le sont les herbes de Balme, argentées face à l’éternité des glaces. Je n’imaginais pas, alors, que cette Jonction n’en fût qu’une parmi des dizaines d’autres, Borgne ou Navisence, Morge, Lizerne, Allondon, Fier, Isère, Drôme, Roubion, Cèze ou Gard. Être fleuve, c’est accepter de mélanger sa nature avec elle des autres, laisser se fondre toutes alluvions en un destin commun. Toutes les théories sur la mixité, le cours d’eau les réalise, cahin-caha, sans autre fureur que le silence de l’écoulement.

     

    Car enfin, l’Arve, ça n’est pas rien. Presque valaisanne par l’origine, elle nous roucoule le chant du haut-pays savoyard : le Grand Genève, notre paisible Jonction le met en œuvre depuis ces temps de pierre, ancestraux, ceux d’avant les récits, les langues et même les accents. Et puis, Genève, c’est tout de même le lieu où le Rhône redevient Rhône, juste avant sa rencontre avec l’Arve. A une démesure provisoire, Genève met fin, pour que le fleuve retrouve son statut, vers d’autres promises, d’autres promesses. Que serait Genève sans le Rhône ? Que serait le fleuve sans la grâce de cette étape ?

     

    Le Rhône, je le descendrai un jour à pied, comme le fit mon ami Duchosal, jusqu’en Camargue. Avec la seule compagnie des oiseaux. Avec le chant du monde, celui d’un destin qui s’écoule. De la sauvagerie bleutée du glacier jusqu’aux étangs tout plats, où dansent les flamants.

     

    Pascal Décaillet

     

    Photo PaD - Le Rhône en Camargue - Pâques 2012

     

  • Mourir - Ou renaître ?

     


    Coup de Cœur - Extrait de ma page spéciale Rhône - GHI - Mercredi 02.07.14

     

     

    Aspiré par la mer, le Grand Rhône 1.jpgRhône, en cet endroit précis auquel je pense, incroyablement large, offre au regard un flux impressionnant. Pas question de s’y baigner, on se retrouverait hagard, sur quelque côte de Corse ou d’Algérie. J’aime y aller sur la rive gauche, par quelque chemin de traverse, dans les vignes du pays d’Arles. La côte d’en face, à portée de regard, apparaît comme un autre monde. La Méditerranée n’est plus qu’à quelques kilomètres, et déjà l’air marin se mêle au parfum des ceps. Mais le fleuve, plus que jamais, est encore fleuve. Là, plus rien ne l’arrête, il a décidé de précipiter son destin. S’offrir à l’immensité. Non mourir, mais renaître dans quelque chose de plus grand. Son flot est émeraude. Les arbres, sur le rivage, enracinent leurs troncs blancs dans le lit du fleuve. Immobiles et fiers, devant la vie qui va.

     

     

     Pascal Décaillet

     

     

     

    Photo PaD - Pâques 2012

     

     

  • L'habit du Général

     

    Chronique publiée dans Lausanne Cités - Mercredi 02.07.14
     
     
    Une garde à vue, ça n’est pas formellement une arrestation. Et surtout, la personne entendue par la police demeure présumée innocente, c’est très important. Cela vaut pour tout le monde, y compris Nicolas Sarkozy. Nous ne nous prononcerons donc pas sur le fond de l’affaire qui amène un ancien chef d’Etat français dans une telle situation. Surtout qu’à ce niveau, toutes les manipulations sont possibles et imaginables.
     


    Mais concernant M. Sarkozy, quelle que soit son implication dans la présente affaire, il faut bien reconnaître qu’il est celui des sept présidents de la Cinquième République qui aura le plus affaibli la fonction. Non par ses choix politiques, ni par son manque d’ardeur à la tâche, mais par toute une série de signaux où l’homme ne s’est pas montré à la hauteur. Désolé de le dire ici, mais M. Hollande, son successeur, qu’il est de bon ton de dénigrer unanimement, a toujours, dans l’exercice de sa fonction présidentielle, affiché la dignité requise. On peut lui coller tant qu’on veut l’image – en effet ridicule – du scootériste allant chez sa maîtresse avec son casque, il était là dans sa vie privée.


     
    Taillé pour le fondateur de la Cinquième République, l’un des plus grands hommes de toute l’Histoire de France, le costume est certes trop ample pour n’importe quel successeur, sauf peut-être François Mitterrand, qui l’a porté avec génie. Il oblige ceux qui le portent à incarner l’Etat, sa continuité, son Histoire. Dans cette mission-là, le « casse-toi, pauv’con » n’a évidemment pas sa place. Et cela, garde à vue ou pas garde à vue.
     
     
    Pascal Décaillet