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  • En Suisse, c'est le peuple qui décide

     

    Sur le vif - Dimanche 17.02.13 - 17.10h

     

    Non, désolé, comme citoyen de ce canton, électeur depuis ma majorité, soit depuis 34 ans, je n’ai pas composé (à la main, s’il vous plaît) ma liste du Grand Conseil, en octobre 2009, pour que les élus de cette Chambre, ni ceux de l’exécutif d’ailleurs, aillent passer, pour faire moderne et aller dans le sens du vent et d’une disparition fantasmée des frontières, des accords qui n’ont rien à voir avec leur mission.

     

    Désolé encore, mais la notion autoproclamée de « Grand Genève », fruit des cogitations d’une petite clique transfrontalière, ne bénéficie de strictement aucune légitimité démocratique. C’est une usine à gaz, un machin, concocté d’en haut, comme si Genève n’était pas membre d’une Confédération qui s’appelle la Suisse, et avait toute latitude, souverainement, pour recomposer un espace politique, sans que le peuple ait son mot à dire.

     

    S’ils veulent se lancer dans ce genre d’aventure, bien sûr qu’il doit y avoir consultation du corps électoral élargi, celui que pour faire court on appelle « peuple » : l’ensemble des citoyens de ce canton. S’ils disent oui, très bien, nous nous inclinerons. Car enfin, l’enjeu n’est pas le prix du sel, ni la construction d’un nouveau rond-point, mais une révolution totale dans la manière d’envisager nos rapports, y compris institutionnels, avec nos voisins. Cela, Messieurs, ne se décrète pas d’en haut. Cela mérite un immense débat populaire, avec des pour et des contre, des arguments. Et, un beau dimanche, le souverain qui tranche. Et le souverain, Cher Jean-François Mabut, en Suisse, ce ne sont pas les convenances horizontales des notables. C’est le peuple.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Douaniers sans frontières

     

    Sur le vif - Samedi 16.02.13 - 19.43h

     

    Jamais reçu, depuis des années, autant de courrier positif que pour mon papier de la semaine dernière, dans GHI, « Grand Genève : arrêtez de nous bassiner ! ». Les lecteurs me remercient d’avoir dit tout haut ce qu’apparemment, beaucoup d’entre eux pensent tout bas. Bien plus nombreux qu’on ne l’imagine ! Snobisme et prétention de ces deux mots, qui sonnent comme un Gross Paris provincial. Mais surtout, machin, machinerie, concoctée horizontalement par des gens n’ayant nullement été mandatés par leurs peuples pour cela. Truc de cocktails. On passe des accords, comme ça, on veut ignorer l’existence d’une frontière. On prend des options sur l’avenir sans en référer à Berne, ni sans doute à Paris. Mais moi, c’est plutôt Berne qui m’intéresse.

     

    Dernier épisode en date : le stade. Au nom du Gross Genf. Et on y va, des clubs français sur la prairie, et on n’aurait demandé à personne, et le peuple, on le mettrait devant le fait accompli. Vous avez souvenance, vous, d’avoir été consultés sur le « Grand Genève » ? Ce machin, il a une légitimité démocratique ? Une armature institutionnelle ? Il émane d’une puissante volonté du peuple souverain ?

     

    Bien sûr, nous devons bien nous entendre avec nos voisins. Jamais dit le contraire. Et jamais, sous ma plume, la moindre remarque désobligeante sur nos amis de l’Ain ou de la Haute-Savoie. Ni sur les frontaliers. Mais la collaboration, pas comme ça. Pas par une usine à gaz, imposée d’en haut par quelques élus tétanisés par l’illusion d’un monde – bien irréel – où les frontières auraient disparu. Désolé, mais pour l’heure, elles sont encore là. Il y a un pays qui s’appelle la Suisse. Et un autre, qui s’appelle la France. Dieu sait, à titre personnel, si je les aime les deux, si j’en connais l’Histoire, et les reliefs, et les végétations, et les livres. Mais comme citoyen, il se trouve que je suis Suisse. On me permettra de défendre en priorité les intérêts politiques, économiques, sociaux et stratégiques de mon pays. Dire cela, ça n’est en rien nier la nécessité d’un bon voisinage. C’est juste remettre les pendules à l’heure.

     

    Et puis, tiens, s’ils veulent absolument le Grand Genève, je leur suggère un truc amusant : faire voter le peuple. Le résultat pourrait être assez fracassant. Et refroidissant pour une bonne génération.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un instinctif besoin de lumière

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 15.02.13


     
    Je dirai d’abord mon salut à celui qui s’en va. Benoît XVI, comme d’autres l’ont fort justement écrit ici, fut un grand pape, loin de ce règne de transition évoqué par ceux qui, généralement, ne connaissent pas grand-chose à l’Histoire de l’Eglise. Il avait la tâche écrasante de succéder à un saint, infatigable pasteur, communicateur de génie. Il n’en avait pas la dimension théâtrale, n’a jamais cherché à la mimer, s’est juste contenté d’être ce qu’il est : l’un des interprètes des Ecritures les plus puissants de sa génération, intellectuel de haut vol, doublé d’un homme d’une infinie douceur. Si l’Histoire des papes était une partition musicale, il nous fallait le mode mineur de cet Adagio, après l’Allegro fracassant du Polonais, et pour préparer l’avènement d’autre chose. Dont je n’ai nulle idée, si ce n’est un instinctif besoin de lumière.


     
    Après le pape du dehors, planétaire, il n’aura pas été vain d’avoir un pape de l’intérieur. Dans tous les sens du terme. Comme Pie X succède à Léon XIII, ou Léon XIII à Pie IX, ou Jean XXIII à Pie XII, le chemin de l’Eglise s’invente par l’alternance des figures, la dialectique de la vie intérieure et de la pastorale, l’une n’étant d’ailleurs jamais exclusive de l’autre, ce que peinent tant à comprendre ceux qui ne veulent lire les pontificats que dans leur dimension politique. Je dis ici, avec d’autres, que Ratzinger fut un grand pape. Le monde dans lequel, toute sa vie, il aura cheminé, est celui de l’Ecriture, ou plutôt des Ecritures. Justement multiples, avec le vertige de leurs variantes, la nécessité d’en établir l’apparat critique. Lisez les livres de Benoît XVI, comme d’ailleurs ceux de Carlo Maria Martini : nul dogme, jamais, ne vous est asséné. On vous invite simplement à cheminer avec des textes. Le pape allemand interprète l’Ecriture, nous en rappelle la dimension historique, philologique, philosophique : lui, qui se proposait de combattre le relativisme, se révèle paradoxalement le contraire d’un fondamentaliste.


     
    Et maintenant, qui ? Besoin de lumière, oui. Et possibilité de retrouver l’Allegro. Besoin d’ouverture. La rigueur de l’Allemand, la folie du Polonais. La sainteté de Pie X, l’ouverture sociale de Léon XIII. Pas besoin d’imiter le monde, ni de plaire. Je crois qu’il nous faut un témoin, puissant. Un autre qui nous dise de ne pas avoir peur. Il n’y aurait pas que la France, nous serions tous les filles et les fils aînés de cette Eglise, toujours à inventer. Jamais acquise, jamais perdue. Elle serait notre petite mère, si douce et si chaude, non celle qui nous tient dans ses griffes, mais celle qui, toujours, quelles que soient nos vies, nos errances, nous ouvre les bras. Nous serions tous aînés, tous héritiers. Et le Verbe partagé serait notre famille.


     
    Pascal Décaillet