Sur le vif - Samedi 23.02.13 - 18.04h
Casser le front du non. C’est, depuis l’automne dernier, le mouvement tactique tenté, de toutes ses forces, par le Conseil d’Etat dans l’affaire du budget 2013. Une intéressante majorité, PLR + UDC + MCG, qu’on espère trouver plus souvent dans la vie politique genevoise, avait tapé du poing sur la table, et refusé le projet de budget du Conseil d’Etat, jugé beaucoup trop déficitaire. Oubliant qu’au Parlement, il n’est pas chez lui, ni dans son bureau, le conseiller d’Etat François Longchamp avait réagi, dans l’enceinte du Grand Conseil, avec une arrogance déplacée. Il était permis, à ce moment-là, pour tous ceux qui croient encore à une droite genevoise, d’espérer, de la part des parlementaires, un combat jusqu’au bout, non seulement pour un budget équilibré, passant par un vrai redimensionnement de l’Etat là où il est hypertrophié, mais aussi pour la dignité du Grand Conseil face à l’exécutif, dans sa tâche de contrôle et de décideur final des lignes budgétaires.
Hélas, à lire la Tribune de Genève de ce matin, on perçoit un début de réussite du Conseil d’Etat dans sa manœuvre de diviser le fier mouvement de spadassins de cet automne. Il est clair qu’ils ont dû les entreprendre un à un, comme ils en ont l’habitude, pour les convaincre de la nécessité de l’adaptation, allez on coupe la poire en deux, reconnais que le futur budget sera moins déficitaire, en échange accepte qu’on n’aille tout de même pas jusqu’à l’équilibre, et puis tiens, en année électorale et à une semaine de la votation sur les caisses de pension, on a l’air de quoi, sans budget ?
L’intervention de Pierre Maudet, dans la TG de ce matin, c’est celle d’un ministre qui vient pleurnicher pour avoir les sous demandés. C’est cela, et ça n’est strictement rien d’autre. Hélas, les plus influençables de son parti se laisseront impressionner. Parce que la vraie direction du PLR, je veux dire stratégique, n’est pas tant chez le président du parti que dans la personne des conseillers d’Etat radicaux actuellement aux affaires. Ce sont eux qui dirigent tout. Et on peut bien imaginer que, pour un gouvernement sortant, une année électorale sans budget, ça fait un peu désordre. Alors, ils font ce qu’ils ont toujours fait : ils mettent la pression. C’est cela, l’intervention de Maudet ce matin, et rien d’autre.
En peignant le diable sur la muraille, le gouvernement joue son jeu. Tous les exécutifs du monde nous sortent la chansonnette, au moment de convaincre le Parlement. Ce qui est beaucoup plus inquiétant, pour qui veut croire à la solidité de la droite genevoise, ce sont ces parlementaires PLR qui, très clairement, dans la même TG de ce matin, lâchent du lest. Que certains croient bon de le faire « à titre personnel » ne change rien à l’affaire : en rase campagne, des pourparlers d’armistice se préparent. En clair, le duo Longchamp-Maudet est en train de gagner une bataille symbolique capitale, à sept mois et demi des élections. Tant mieux pour eux, on ne va tout de même par leur reprocher de faire de la politique.
Mais, pour les fiers à bras PLR de l’automne dernier, qu’on voyait déjà comme une avant-garde de la Reconquista du Marécage par une droite cohérente et charpentée (pour le moins dans l’ordre budgétaire, qui n’est pas rien), quel échec ! Quand on lance un défi, il faut aller jusqu’au bout. Lorsque ce défi est aussi, à travers la majorité d’un vote, celui du Parlement comme Chambre de contrôle, lancé à un exécutif jugé trop dispendieux, la défaite est plus grave.
Tout cela, à une exception près : le député PLR Renaud Gautier. Lui, dans la TG de ce matin, ne capitule pas. Il maintient la ligne, là où d’autres sont en train de céder. Il assume la cohérence d’un combat légitime mené par la droite genevoise, l’automne dernier, pour un Etat moins gourmand. Surtout, il rappelle à l’arrogance de certains ministres que les parlementaires, même (et peut-être surtout) de leurs rangs, ne sont pas à leurs ordres. Il perdra peut-être la bataille, mais, pour ma part, « à titre personnel », pour reprendre l’expression d’un irrédentiste revenu sur le droit chemin, il emporte, pour longtemps, mon estime.
Pascal Décaillet