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  • L'empire des pisse-vinaigre

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 04.01.13


     
    Eh, quoi, il faudrait s’excuser d’aimer son pays ! Venir en pénitence, en chemise, comme à Canossa, quêter repentance de cette petite flamme du cœur qui nous habite, oui, la plupart d’entre nous, qui sommes des êtres simples et d’émotion, pas des pisse-froid ni des ratiocineurs. Comme si le sentiment, celui de patriotisme par exemple, devait raser les murs. Se courber, aller savoir pourquoi, devant la puissance des raisonnements. Avoir honte de lui-même. Demeurer silencieux, réprouvé, dans l’intimité de nos êtres. Ne jouir d’aucun droit de cité. Ils sont bien gentils, les raisonneurs : ils ont déjà obtenu que le sentiment religieux soit relégué dans le plus profond du privé. De l’attachement sentimental au pays, ils exigent la même chose.


     
    Au final, on pourra parler de quoi ? Même pas de poésie ni de musique, pourtant les seules choses qui nous accrochent à la vie. Juste de géométrie ? Avec des compas, des équerres, des syllogismes, des enchaînements démonstratifs ? Moi, je dis qu’il y en a marre. Trop d’avocats, trop de juristes, trop de philosophes. Trop de géomètres ! Regardez les structures des dissertations, pour les élèves : ce ne sont plus des cours de français, mais l’école du raisonnement. Thèse, antithèse, synthèse, prouver, appuyer, démontrer. Et la petite musique des mots ? Et le rythme, et le souffle, et les silences, et les respirations, tout ce qui fonde la puissance sonore d’un texte ?


     
    Colère, oui. Parce qu’une bande de glaciaux démonstrateurs, obsédés par l’idée d’avoir raison, est en train de tout nous confisquer, et la langue, et l’appartenance, et l’incandescence de l’instinct. Lorsqu’une campagne politique commence, on redoute aussitôt qu’elle devienne « émotive ». Lorsqu’un politicien, pour une fois, sait parler au grand public, avec des mots simples et clairs, le langage du peuple, on le taxe aussitôt de « populiste ». La parole publique, aseptisée, n’aurait droit  d’existence que parfaitement argumentée, reléguant dans les flammes de l’intime la prière, l’incantation, la prophétie. Des paroles pour les fous ! L’empire du vinaigre. Celui qu’on pisse froidement, et articulant des « or » et des « donc ».


     
    Le plus dingue, c’est le rapport au pays. Il faudrait en évacuer toute la part d’émotion. Ces contractuels de la démonstration, incapables d’admirer un paysage, ni Catogne, ni Combin, ni Vélan, ni Dolent, ne voient le pays que comme une circonscription administrative. Ils n’ont en eux que l’extase de la préfectorale, le cantique du régisseur, au mieux celui qui compte les arpents. Et ils seraient qualifiés, ces orphelins de l’affect, pour nous donner la moindre leçon sur la nature de notre rapport au pays ? Moi, je leur dis le mot de Cambronne. Je retourne à Barrès et Gonzague de Reynold. Je retourne à D’Annunzio. Je vous embrasse fraternellement. Et vous souhaite une année 2013 illuminée de déraison.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Modeste et Pompon

     

    Sur le vif - Jeudi 03.01.13 - 11.25h

     

    Démolir Ueli Maurer. L'exercice mimétique, toujours recommencé, de ce début d'année. Aujourd'hui, c'est le Temps qui s'y colle. Portrait d'un homme modeste, ironie surmultipliée autour de cette modestie (que, chez un autre, on eût trouvée géniale), démolition en bonne et due forme, parole donnée presque exclusivement à ses détracteurs. Bref, la routine.



    Toujours recommencée, comme la Mer de Valéry. Juste le ressac en moins, le goût salé de l'écriture. Oui, juste au final la pâteuse impression de copié-collé, tellement conforme, de ce qu'on lit partout ailleurs. Démolir Maurer, exercice sans style, juste l'accomplissement d'une tache, aujourd'hui acheter du sel, prendre de l'essence, farter les skis, démolir Maurer, changer les draps. Encore quelques articles comme celui-ci, et le Temps pourra clamer qu'il ne sera mort que de lui-même, par lui-même, comme Paris libéré: le Temps par lui-même martyrisé.



    Président, tout au plus, du Conseil fédéral, dixit le Temps de Maurer. Dans un article rédigé, au plus tard, le deuxième des 365 jours de présidence du Zurichois. Admirable prescience. Se contenter de présider les séances, sans incarner du tout la fonction de lien avec le peuple, c'est exactement ce qu'on pouvait reprocher à Eveline Widmer-Schlumpf. Sur le constat, bien réel, de ses 366 jours de présidence 2012. Mais que voulez-vous, la présidente bissextile, on l'épargne, on la cajole, on l'encense, on l'amadoue. N'était-ce pas elle, le 12 décembre 2007, qui, faisant au pays le don improvisé de sa personne, le sauvait des griffes de la Bête immonde ?



    Oui, les journaux disparaîtront de leur propre conformisme. D'avoir trop choisi la duplication. Pendant ce temps, Ueli Maurer présidera. Et le 31 décembre 2013, autour de minuit, nous commencerons à porter un jugement. Excellente Année à tous.

     

    Pascal Décaillet