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  • Ravel, l'Ouïe, l'enfant ravi

     
    Sur le vif - Mardi 04.07.23 - 13.55h
     
     
    Dans Ma Mère l'Oye (1908-1912), de Maurice Ravel, tout va incroyablement vite, et pourtant chaque note s'entend, encore plus sur les aigus.
     
    C'est le paradoxe, le miracle, de ce petit bijou étymologiquement inouï : ce qui jamais n'avait encore été entendu. Le rêve de toute musique, ne ressembler à nulle antérieure, ne rien répliquer, juste inventer.
     
    Une composition inouïe. Et voici justement le second paradoxe : Ma Mère l'Oye nous renvoie, par le jeu de l'oreille, à Ma Mère l'Ouïe. Tout musicien, tout mélomane, ne sont-ils pas par essence des enfants du son, celui qui se structure, mais là surtout celui qui, dans la plénitude, se donne à entendre ? Note après note, chacune ciselée, dans un enchaînement pourtant d'une fulgurante rapidité. Dans l'écrin de Ravel, le tempo ne nuit pas à l'acoustique, il ne noie pas la note, comme parfois la musique romantique, au contraire il l'exalte, il la sublime. Il la délivre, jouissive d'exactitude.
     
    Toute ma vie, j'ai écouté Ma Mère l'Oye, comme j'ai écouté Debussy, Schönberg ou Bartók : avec le ravissement de celui qui se dit "Je vais écouter la musique", mais que très vite, la musique emporte. Comme le Roi des Aulnes, Erlkönig, dans le poème de Goethe, se saisit de l'enfant. Et le ravit, vers d'autres mondes.
     
     
    Pascal Décaillet