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Tout pouvoir est menteur

 
Sur le vif - Jeudi 09.03.23 - 16.01h
 
 
La propagande politique, ça passe par des mots. Celui qui impose son vocabulaire a déjà gagné la partie.
 
Ainsi, "pacifier". Ce sont les Verts qui, les premiers, ont lancé ce verbe : "pacifier" le centre-ville, "pacifier" la ceinture urbaine, etc.
 
D'abord, le poids de l'Histoire. J'ignore si les Verts la connaissent, mais moi oui, alors j'y viens. Le mot "pacifier" a été, pendant toute l'époque coloniale, un euphémisme éhonté pour couvrir une réalité, qui était le contraire même de son sens : "pacifier" l'Algérie, c'était conduire des opérations de guerre particulièrement sanglantes. "Pacifier" l’Aurès, la Kabylie, c'était traquer le FLN, dans une guérilla sans merci.
 
Au Maroc aussi, on a "pacifié", notamment en 1925, lorsqu'on a envoyé le Maréchal Pétain, 69 ans, régler l'affaire du Rif, à la place de Lyautey. En Afrique occidentale, en Afrique équatoriale, dans le Tonkin, en Cochinchine, on a "pacifié". Pour faire passer l'opération dans l'opinion publique en Métropole, on lui balançait un euphémisme, une hallucinante édulcoration du réel.
 
Bref, nos amis Verts auraient pu réfléchir un peu, il y a quelques années, lorsqu'ils ont lancé ce verbe. Les mots ont un poids, une Histoire, des vibrations, des résonances. On ne balance pas n'importe lequel, sans conséquences.
 
Aujourd'hui, c'est M. Dal Busco qui utilise le verbe "pacifier". C'est un homme cultivé, il connaît l'Histoire. Lui aussi, aurait pu réfléchir un peu. N'importe quel esprit au parfum de l'Histoire récente du monde, et notamment de cet immense travestissement du sens que fut la colonisation, freine ses ardeurs avant d'utiliser certains vocables.
 
Aujourd'hui, Dieu merci, on ne tue plus. Mais on distille la propagande, tous le font. "Pacifier", en langage Vert, ou en plagiat dalbusquien, ça veut juste dire "faire triompher nos thèses", en les couvrant sous un mot doux. "Pacifier", en 2023, ça veut dire éradiquer implacablement la voiture du centre-ville.
 
Je ne reproche pas aux Verts d'avoir leurs thèses. Je reproche un peu plus férocement à M. Dal Busco de les avoir embrassées, avec la fougue d'un Jeudi Saint, à la tombée du soir. J'invite chacun de nous à scruter les mots. Surtout ceux qui viennent du pouvoir.
 
Tout pouvoir, d'où qu'il vienne, est propagandiste par essence. Tout pouvoir dévoie les mots. Tout pouvoir est menteur.
 
 
Pascal Décaillet
 

Commentaires

  • M. Decaillet,
    Au fond, les deux significations du verbe pacifier ne vont-elles pas dans le même sens ?
    Pacifier veut dire *neutraliser l'adversaire". On peut le neutraliser politiquement et au pire par la violence. La pacification coloniale, c'est la neutralisation des colonisés; la pacification actuelle, c'est la tentative de réduire au silence l'adversaire.

  • Utilisons alors le verbe apaiser!

  • A Jean-Bernard Billeter,
    Votre proposition est judicieuse et très pertinente.
    Elle permet, en effet, de sortir de l'impasse, car "apaiser" les conflits ou les tensions ne consiste pas à les neutraliser mais à reconnaître leur existence tout en cherchant à réduire leur intensité ou leur degré de conflictualité.

  • "Tout pouvoir est menteur", certes, et Guy Debord ne vous démentirait pas! Je note que la Loi genevoise permet à tout citoyen de choisir son mode de transport, que ce soit la voiture ou le vélo! J'entends bien faire usage de ce droit, "pacification" du Centre-Ville ou non!

  • A Jacques Davier
    Vous avez entièrement raison.
    Je partage totalement votre point de vue.

  • Dal Busco est l'équivalent des RINO américains (Republican In Name Only = membre du parti Républicain Seulement de Nom). Un vrai écologiste et un faux élu de droite. Molière lui aurait trouvé une place dans son Tartuffe. Laquelle?

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