Sur le vif - Jeudi 06.10.22 - 16.13h
Annie Ernaux. Une femme. Un style. Une écriture. La phrase est simple, courte, indépendante. Le mot est juste, sans emphase. Il désigne, presque cliniquement. L'écriture, et rien d'autre.
Annie Ernaux raconte la vie. L'héroïne des "Années", toujours désignée à la troisième personne, "Elle", lui ressemble comme deux gouttes d'eaux. Mais elle ne dit pas "Je". Elle dit "Elle". C'est le premier récit que j'ai lu d'Annie Ernaux, avant tous les autres. Dès les premières pages, la présence d'un style. C'est rare.
J'invite ici à lire tous ses livres. Les Années, La Place, Une femme, L'Autre Fille, Mémoire de fille, Le Jeune Homme. Et tous les autres.
C'est son histoire, et c'est la nôtre. Les années passent, il y a des naissances et des morts, des affaires de famille, des choses tues, des tabous qui remontent, une mère, une soeur aînée, une colonie un peu particulière, en 1958. Il y a l'événement qu'on dit, celui qu'on tait. Il y a ce qu'on retient et ce qui sort, ce qui s'agrippe, ce qui nous échappe. Il y a la vie des syllabes, tellement belles dans leur cistercienne simplicité.
Il y a un style. Oui, c'est si rare.
Rarement un Nobel fut à ce point mérité.
Pascal Décaillet