Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.09.21
Mais dans quel monde la gauche municipale genevoise vit-elle ? Dans quel univers, nimbé de quelle ouate, coupé à ce point des réalités du monde, à commencer par celles de l’économie ? En acceptant, le 7 septembre dernier, l’initiative dite « Zéro pub », le délibératif de la Ville, perclus d’idéologie, vermoulu par les grandes leçons cosmiques de la gauche morale, a donné un signal catastrophique. Celui d’une Nomenklatura politique ayant décidé de faire le bonheur des gens sans leur demander leur avis, décréter à leur place ce qui est juste et bon, régir les consciences. Cette gauche-là, désolé, n’est plus politique, encore moins sociale (un domaine qu’elle délaisse pour la morale), non, elle frémit dans l’extase de la chaire, oui avec un « e », celle du pasteur, ou du prêtre, ou du redresseur, ou du directeur de conscience. Celui qui dit le bien. Celui qui chasse le mal. Ah, les braves gens !
Bannir des murs de la Ville la publicité commerciale. Sous des prétextes moraux : elle prônerait « l’obsolescence programmée », « la surconsommation ». Bref, on prendrait le diable par toutes les fourches de sa queue, et on l’enverrait se faire voir, hors des fortifications de la Cité : Vade retro, Satanas ! Parce que dans l’esprit de ces gens-là, la gauche municipale, moins moralisante quand il s’agit de son clientélisme électoral avec les « collectifs » et les « associations », la pub, c’est Lucifer. Nous traversons, pour cause de Covid, l’une des périodes les plus abominables pour notre économie, composée à 97% de PME. Des entreprises ont fait faillite. D’autres, avec l’énergie du désespoir, tentent de surnager. La pub, pour une boîte, c’est d’abord faire savoir qu’elle existe. Donner au public l’information de son ouverture à entrer avec lui dans un contact commercial. Telle pizzeria glissera dans votre boîte aux lettres le menu de ses mets à commander à domicile. Tel coiffeur vous signifiera sa disponibilité, c’est cela la fonction première. Où est Belzébuth ? Où est l’enfer ?
Et puis quoi, les affiches ? Nous sommes, en Ville de Genève, des citoyennes et citoyens libre, majeurs, parfaitement capables de discerner, de déceler sur une image publicitaire toute la part d’exagération, qui lui est propre. Capables, aussi, de sourire de cette manipulation. Mais alors, la gauche municipale, elle nous prend pour qui ? Pour des demeurés, qui prendraient au premier degré le message de valorisation d’une marchandise ? Elle aurait tout compris, d’en haut, elle la gauche, et nous, tendres promeneurs captifs, serions de doux agneaux à la merci du loup publicitaire ? Ils auraient pour mission, les conseillers municipaux, de nous prémunir de nous-mêmes ? Mais ça n’est plus la politique, c’est le Ministère de la Santé morale ! Avec ses Archanges, ses Tables de la Loi, ses lanières prêtes à fustiger. Ce modèle de gouvernance vous fait envie ? La gauche morale a de nouveau frappé. Il faudra un jour lui signifier gentiment que ce petit jeu suffit.
Pascal Décaillet