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Plaidoyer d'un souverainiste viscéralement européen

 
Sur le vif - Jeudi 27.05.21 - 14.50h
 
 
Je suis souverainiste, depuis toujours. Et je suis profondément européen. Non au sens de la machinerie de l'UE, mais dans celui, autrement plus fondateur, de mon appartenance totale à ce continent que j'aime, au sein duquel je voyage depuis six décennies, dont je parle une ou deux langues, en tentant d'en apprivoiser quelques autres, dont l'Histoire m'habite et me passionne.
 
Toute ma formation, tous mes chemins de connaissance, le français, l'allemand, le latin, le grec, puis l'italien, un peu de grec moderne, me mènent à l'Europe. Elle est mon terroir, mon terreau, je lis ses écrivains, j'écoute ses musiciens. J'ai passé pas mal de temps en Allemagne, y compris à l'époque de la DDR, j'ai étudié avec passion la littérature allemande, je prépare une Histoire de l'Allemagne en 144 épisodes, dont 32 sont déjà publiés. Je lis la presse européenne en plusieurs langues, je m'essaye aux journaux grecs, mais là, j'ai encore un sacré boulot.
 
Tout ça, pour inviter mes compatriotes à partager mon amour du continent. Je ne suis pas un occidental, encore moins un atlantiste, le monde anglo-saxon ne m'attire guère, je vibre pour l'Europe continentale, les Balkans, le Proche-Orient (où je me suis rendu maintes fois), l'Afrique du Nord. Je rends hommage à mes parents, qui nous ont permis, ma soeur et moi, de découvrir de fabuleux pays, dans notre enfance, aujourd'hui lointaine. Le Proche-Orient, justement, mais aussi par exemple la Scandinavie, été 1968, avec un voyage mémorable jusqu'au Cap Nord, et retour, dans la Mercedes 280 S de mon père. Inoubliable.
 
Pourquoi j'écris ça ? Pour bien séparer deux choses. Le sentiment profond d'appartenance au continent européen (en Prusse, en Saxe, en Thuringe où vécurent Bach et Luther, je me sens chez moi, tout autant que dans un monastère perdu de la Grèce). Et puis, d'un autre côté, la défense d'une Suisse intraitable sur son indépendance, sa souveraineté. Non parce qu'elle est la Suisse, mais parce que toute nation doit être souveraine, ou n'être pas, sans troisième voie. Le destin de notre pays, pour moi, n'est pas de se fondre dans une entité supérieure. Collaborer, oui. Échanger. Apprendre à se connaître. Partager la culture, les langues. Mais en demeurant souverain.
 
J'écris ça, aussi, parce que je couvre l'actualité Suisse-Europe depuis plus de trente ans, depuis Delamuraz, dont le souvenir illumine encore ma mémoire. J'ai couvert tous les combats, EEE, bilatérales, initiatives de l'UDC. Et maintenant, j'aspire à l'apaisement. Cet accord institutionnel était touffu, atrocement mal fagoté, le Conseil fédéral a mille fois bien fait de tirer la prise. Maintenant, il nous faut nous calmer. Respirer. Ne rien précipiter. Retirer le dossier aux diplomates et aux technocrates. Prendre quelques années pour nous demander, entre nous, les citoyennes et citoyens suisses, ce que nous voulons, en termes de politique européenne.
 
Laissons, quelques années, nos amis Européens tranquilles, tout en maintenant avec eux des relations de confiance et de respect mutuel. Et instaurons le seul débat qui vaille : non pas celui des Suisses avec l'Europe, mais celui des Suisses avec la Suisse. Car à l'intérieur de notre pays complexe et fragile, la plus grande conquête n'est pas d'aller vers la connaissance de l'univers. Mais vers celle de nous-mêmes. Notre petit pays, riche de ses tranquilles inquiétudes, en vaut la peine.
 
 
Pascal Décaillet
 
 
 

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