Sur le vif - Dimanche 16.08.20 - 13.18h
Karin Keller-Sutter, cheffe de campagne du NON à l'initiative du 27 septembre sur l'immigration : voilà bien, depuis la guerre, l'un des plus ébouriffants contre-emplois de l'Histoire du Conseil fédéral.
Voilà une personne d'une rare qualité. Brillante, cultivée, polyglotte. Une femme d'Etat, dont la stature n'est pas sans rappeler celle d'un autre Saint-Gallois, que j'ai eu naguère l'honneur de connaître et d'interviewer : Kurt Furgler.
Bref, KKS, c'est la classe. Lorsqu'elle était Conseillère d'Etat, à Saint-Gall, elle s'est montrée d'une très grande rigueur dans les dossiers de l'immigration et de l'asile, elle aurait pu être UDC. Avant beaucoup d'autres, avant l'initiative du 9 février 2014 sur l'immigration de masse, elle avait compris qu'une ouverture des frontières sans régulation conduirait à la catastrophe. Voilà une PLR qui avait un sens profond de l'Etat, ne craignait pas l'opinion publique, entreprenait ce qui lui paraissait nécessaire aux intérêts supérieurs.
Conseillère fédérale, elle doit défendre l'option du collège, c'est la règle. Et elle défend aussi la ligne de son parti. Elle le fait avec sens du devoir et respect du jeu politique. Au soir du dimanche 27 septembre, quel que soit le résultat, elle n'aura rien à se reprocher.
Mais au fond d'elle-même ? Comment la dame de fer du gouvernement saint-gallois vit-elle la métamorphose qui, par les nécessités du verbe et des postures, l'amène à apparaître comme la championne de l'immigrationnisme face au camp de la régulation ?
Du paradoxe, elle est consciente. Dans le Matin dimanche, elle affirme vouloir cantonner l'immigration au strict nécessaire. On voit bien à qui elle s'adresse, quelle frange de l'électorat. Au sein même de son parti, le PLR, champion de la libre circulation, d'innombrables militants partagent la conviction qu'il faut réguler l'immigration. Pas la stopper, la RE-GU-LER ! C'est à eux que la Conseillère fédérale, ce matin, a voulu envoyer un message.
Que voteront les Suisses le 27 septembre ? Je l'ignore. Mais il y aura un 28 septembre, et un 29 ! Et il serait peut-être temps, en Suisse, que les esprits intelligents et raisonnables du PLR et de l'UDC , au lieu de se faire la guerre sur la question européenne, élaborent ensemble des solutions vers une forme, X ou Y, de contrôle de l'immigration. C'est une question de curseur, je l'écrivais hier, et non de dogme.
En 1992, correspondant RSR au Palais fédéral, j'ai couvert en toute première ligne la votation historique du 6 décembre sur l'Espace économique européen. Sur le front, j'ai vu la droite suisse se déchirer. Trente ans plus tard, il est temps, entre UDC et PLR, de trouver d'autres tonalités, sur la question migratoire, que celle de la discorde dogmatique. Dans ce chantier de réconciliation, une femme, en Suisse, pourra jouer un rôle majeur. Parce qu'elle incarne les valeurs de la droite et de l'intelligence. Elle s'appelle Karin Keller-Sutter.
Pascal Décaillet