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La voix active

 

Sur le vif - Jeudi 23.04.20 - 10.17h

 

J'ai déjà dit qu'à mes yeux, le confinement n'était pas un thème. Faire de lui un perpétuel sujet d'articles, de reportages, de chroniques, c'est tomber dans un piège redoutable. Accepter de faire de nous des sujets. Raconter nos vies à la voix passive.

C'est, bien sûr, une option. J'entrevois, sur le plan littéraire, tout le charme qu'elle peut revêtir : nous serions des otages, avec Claudel, des séquestrés, avec Sartre, des reclus, avec Diderot. Mille fois, depuis des siècles, le thème de l'incarcération a été traité. Mille fois, de Sade à Céline (D'un Château l'autre), la prison fut lieu d'écriture. Mille fois, l'auteur pouvait faire éclater le contraste entre sa réclusion physique et l'énergie de sa liberté intérieure.

D'où les journaux de confinement. Certains d'entre eux, ici même, sont magnifiquement écrits. Sur le plan littéraire, ils m'attirent. Je les lis volontiers.

Mais je dis pourtant, et je répète, que le confinement n'est pas un thème. Soll kein Thema sein ! Parce qu'il y a en moi, depuis toujours, un combat violent entre le lecteur, l'amoureux de la chose écrite, et l'impérieux besoin d'action. L'écrivain me dira que son besoin d'action à lui, c'est précisément dans l'ordre de l'écriture qu'il pourra l'assouvir. Fort bien pour lui.

Mais pas pour moi. Le citoyen, l'entrepreneur, l'homme d'action que je suis avant tout, a besoin, face à une crise comme celle que nous vivons, de conjuguer sa vie à la voix active. Et, s'il faut être un sujet, cela ne doit surtout pas s'exercer dans le sens de la sujétion, mais dans celui de la grammaire : le sujet, celui qui agit, qui précède un verbe d'action, avec des compléments.

Dans ces conditions, tout en respectant toutes les règles (à vrai dire, je m'étais déjà confiné bien avant la crise, mais c'est une autre affaire), je ne puis admettre le confinement comme sujet à mettre en avant. On le vit, mais on n'en parle pas.

On parle de quoi, alors ? Mais du pays ! De la société humaine dans laquelle on évolue. De l'organisation sociale, politique, économique, autour de soi. Surtout, on pense avec la voix active ! On prépare l'avenir. On imagine la société de demain, la sortie de crise, les leçons à tirer, les erreurs à ne plus commettre, des relations plus justes et plus humaines entre les gens, la construction d'une économie au service des humains, etc.

C'est tout de même, à mes yeux, plus intéressant que les récits de réclusion. A moins qu'on entende faire de la littérature. A quoi je me suis toujours férocement refusé.

 

Pascal Décaillet

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