Sur le vif - Mardi 15.10.19 - 13.47h
Que restera-t-il, dans dix ans, vingt ans, du prodigieux tintamarre climatique de cet automne électoral suisse ? Dans cinq jours, bien sûr, les Verts marqueront des points, comme il y a huit ans, lorsqu'ils avaient exploité à fond l'affaire de Fukushima. Les Verts sont un parti respectable, mais ils sont un parti comme un autre, habités par les mêmes ambitions, le même démon du pouvoir, les mêmes rivalités internes, que n'importe quelle autre formation. Ils en ont le droit, c'est le jeu, mais de grâce, qu'ils nous épargnent le coup de la "politique autrement", où ils seraient les agents du Bien, et leurs adversaires, ceux du Mal.
La politique est une affaire temporelle. Elle amène des sociétés humaines à se donner des lois, qui ne valent pas pour l'éternité, ni face au Ciel, ni surtout pour l'universalité de la planète, mais pour un territoire donné, délimité par des frontières, dont les habitants partagent une communauté d'appartenance, déterminée par l'Histoire, les guerres, les traités, le rapport à la langue, à la littérature, à la culture. La politique est l'affaire de Créon, pas celle d'Antigone.
Comme maintes fois dit, il ne s'agit pas de nier la question climatique. Ni la nécessité de protéger notre planète. Mais on peut aborder ces questions dans l'ordre d'une rationalité temporelle, où on discute, confronte des arguments, c'est cela la politique.
Hélas, dans l'affaire climatique, nous ne sommes plus dans cette disputatio, où le choc idées, comme celui de deux silex, produit des étincelles de lumière. Non, nous sommes dans la religion. On ne nous propose pas de suivre des pistes, on nous somme, et bien souvent, on nous assomme. Celui qui, par aventure, ne suivrait pas le dogme (prétendument démontré, ah la perversité de la "science" !), se trouve immédiatement exclu du champ. Sur lui, l'anathème. On le traite de négationniste. On le qualifie, lui, on lui jette une étiquette, on s'évite ainsi la contre-argumentation. Ce procédé porte un nom : il est celui de l'Inquisition.
Dans dix ans, vingt ans, d'autres jetteront un œil critique, avec la distance de l'Histoire, sur cet automne de folie autour d'un thème unique, en Suisse.
Dans dix ans, vingt ans, les grandes souffrances sociales d'aujourd'hui, autour des primes d'assurance maladie, de la santé, des retraites, du prix des médicaments, de la solitude des aînés, du lâchage de nos paysans, comment seront-elles considérées ?
Dans dix ans, vingt ans, se rendra-t-on compte, enfin, de l'immense effet de paravent du thème unique climatique, pour mieux laisser dans l'ombre les questions premières, qui ne sont pas théologiques, mais temporelles ? Elles ne sont pas célestes, ni cosmopolites. Mais propres à des terroirs déterminés, à l'organisation de sociétés, nommées nations, délimitées par des frontières, avec responsabilité de cohésion sociale.
Dans cet immense effet de paravent, les bobos libertaires auront, une nouvelle fois, été les alliés objectifs des ploutocrates et des possédants. Contre une classe moyenne qui, elle, prise à la gorge, demeure le grand acteur, invisible et muet, des tragédies qui se préparent.
Pascal Décaillet