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Macron, solitaire et solaire

 

Sur le vif - Vendredi 26.04.19 - 15.42h

 

Sur la forme, Macron est un homme brillant. Hier soir, dans la partie solo de sa conférence de presse, il a excellé. Le verbe est précis, bien choisi. Les attitudes, simples et directes. L'homme, très intelligent, ne cherche pas à se soustraire à la critique des Français : au contraire, il en prend et en assume sa part. A voir, à écouter, la prestation est remarquable. Le grand oral est parfaitement réussi.

 

Et c'est là que les observateurs de la vie politique - au moins eux - doivent faire preuve d'un minimum d'esprit critique. Ne pas seulement dire : "Le grand oral est réussi", mais se demander, en amont, quelle impérieuse nécessité a bien pu pousser le Prince à se montrer en majesté, face aux miroirs. Et à nous livrer une démonstration de son savoir-parler, son élégance à manier ses avant-bras et ses mains, son savoir-être-en-représentation. Au point qu'en le regardant, on pouvait, sans trop d'efforts, se représenter le Roi-dansant, entendez le jeune Louis XIV, l'un des meilleurs de sa génération dans l'art de mouvoir son corps, devant la Cour ébahie.

 

Pourquoi, à ce moment, cette monstration de soi-même ? La réponse est extraordinairement simple : parce que nous sommes à un mois des européennes, que cette échéance est capitale pour Macron, et que deux heures de présence télévisuelle, en début de soirée, à son avantage et en position de souverain, ne feront évidemment pas de mal dans ces circonstances, éminemment électorales. Hier soir, on a vu Emmanuel Macron, Emmanuel Macron, et Emmanuel Macron. On n'a pas trop souvenir d'avoir aperçu, par exemple (au hasard), Mme Le Pen.

 

Occuper le terrain dans l'échéance des européennes, telle était la seule finalité de cette chorégraphie solitaire et solaire. Rassurer la France. Lui montrer qu'elle a un souverain. Il a entendu son message (immense duperie, notamment en concédant un pitoyable droit de "pétition" là où était exigé un nouveau droit constitutionnel). Il reconnaît ses fautes, dans un confiteor que n'eussent renié ni Bossuet ni Fénelon. Il dit : "Je suis là, je suis avec vous, je vous aime et vous comprends".

 

L'homme a l'intelligence des mots, cette fois c'est sûr, c'était déjà perceptible devant Notre-Dame en feu. Il donne le change. Il a parfaitement saisi les ruses et les ficelles de la communication. C'est bien. Mais au final, cela ne nous assure que d'une chose : ses qualités de beau parleur. Face à l'immensité de la revendication sociale et démocratique exprimée tous les samedis depuis six mois, c'est un peu juste. Mais peut-être suffisant pour passer le seul cap qui vaille aux yeux du Prince en péril : obtenir que ses gens à lui devancent ceux de Mme Le Pen, dans un mois, aux européennes. Si c'est le cas, il pourra souffler, et le répit de l'Ancien Monde sera prolongé de trois ans. Dans le cas contraire, ce sera un peu plus compliqué.

 

Mais une chose est sûre : hier soir, tactiquement, il aura tout fait, jusqu'à un temps d'exposition éhonté de sa propre personne en majesté, pour mettre toutes chances de son côté. C'est cela qu'il fallait dire sur cette conférence de presse. Avant de disserter sur son contenu, il fallait, oui, s'interroger sur l'urgente nécessité d'une mise en scène du souverain, dans la grâce de ses gestes, et l'élévation de sa parole.

 

Pascal Décaillet

 

 

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