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Genève-Annemasse, Paradis sans odeur !

 

Sur le vif - Mercredi 10.04.19 - 15.41h

 

La nouvelle, dévoilée hier soir par la Tribune de Genève, est proprement hallucinante : les puissants penseurs du CEVA, ceux-là même qui depuis plus d’une décennie nous administrent la morale sur la post-modernité salvatrice de ce futur RER transfrontalier, ont omis d’installer des toilettes dans les gares genevoises !

 

Ils ont pensé à tout, sauf au besoin le plus essentiel, le plus banal, le plus somatiquement trivial de tout humain, entre zéro et 110 ans : se soulager. Ils ont pensé à nous prendre de haut, en 2009, nous traiter d’archaïques, nous faire la leçon sur l’aspect ringard de la frontière. Ils étaient, eux, la modernité, nous étions le paléolithique. Ils nous ont extorqué près de deux milliards, mais c’était pour la bonne cause : payez, vaches à lait, payez petits indépendants, payez, en plus des primes, des impôts, de toutes les taxes de l’univers, payez pour la sainte porosité entre Genève et Annemasse, première étape sur le chemin du Paradis.

 

Ils ont pensé à tout. Des structures de luxe, par endroits. La grande leçon sur la ville réinventée, côté Gare des Eaux-Vives, le haut-lieu du théâtre jouxté aux divinités ailées du Commerce. Hermès, le dieu rapide, le dieu qui court, le dieu qui vole, Hermès pour transcender l’espace urbain, nous transporter dans les délices ailées d’un nouveau monde. Face à la puissance de ce rêve, oser douter, en 2009, relevait du sacrilège : on avait sur le dos les députés bétonneurs, ceux du bois, ceux du bâtiment, ceux du métal, ceux du gros-œuvre, ceux du jeudi, ceux de la Sainte Scène du Progrès.

 

C’était puissant. C’était pensé. C’était conceptuel. Nous n’avions qu’à nous plier. Et payer, payer, payer encore. Ils avaient juste oublié que l’être humain est de chair et de sang, de liquide et d’humeurs mêlées. Et que, plusieurs fois par jour, par exemple en attendant le Train de la Rédemption qui le conduira dans la pure ivresse des premiers faubourgs d’Annemasse, il doit se soulager. Car celui qui boit, pisse. Celui qui vit, pisse. Celui qui revient de son travail, pisse. Celui dont le cœur palpite, pisse. Celui qui rumine des concepts, pisse. Celui qui rêve de lendemains qui chantent, pisse. Celui qui se ronge d’antiques nostalgies, pisse.

 

Nous tous, humains, nous pissons. Mais cet infime détail, nul Grand Architecte, nul puissant géomètre, nul raisonneur du jeudi ne semble l’avoir intégré dans l’immensité galactique de ses réflexions. Mesdames et Messieurs du CEVA, vous vous êtes abondamment foutus de notre gueule. Vous nous avez abreuvés de concepts. Vous aviez juste oublié que nous étions des humains.

 

Pascal Décaillet

 

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