Sur le vif - Vendredi 22.06.18 - 14.53h
Très vite, dans la campagne présidentielle de 2017, il m'est apparu que le concept de nouveauté, dont se targuait tant le candidat Macron, n'était qu'une apparence. Cet homme n'est ni un révolutionnaire, ni même un novateur. Au contraire, il a été le candidat de la conservation de l'Ordre libéral. Le candidat de l'Ancien Monde.
Dans la campagne, il a joué sur quoi ? Son aisance, sa jeunesse, sa belle allure, toutes choses que nul ne lui conteste. Il est tombé au meilleur moment, celui où tous les appareils qui avaient régi la Cinquième République se suicidaient allègrement sous ses yeux : les gaullistes et les socialistes, au premier chef. Mieux : sa rivale du second tour s'est, elle aussi, suicidée face à lui, lors du débat, où elle été simplement calamiteuse.
Un homme, beau et souriant, moderne, au milieu des décombres et des suicides. Oui, il a pulvérisé tout le monde, c'est assurément très bien joué. Mais qu'il ne vienne pas se présenter comme le Président du changement.
Face à une Union européenne en ruines, totalement incapable de donner une réponse à la pression des flux migratoires, Macron continue de s'en tenir aux paradigmes des années 1990, à l'époque de Jacques Delors et de l'européanisme triomphant. Il ne voit pas - ou feint d'ignorer - le retour des nations. Il a, dit-on, une solide formation philosophique : il aurait mieux fait de lire des livres d'Histoire, nation par nation, c'est plus concret pour le préparer à un job comme le sien.
Face à une Italie qui réaffirme l'échelon national et marque sa volonté de contrôler drastiquement les flux migratoires, il a commencé par insulter le nouveau gouvernement, en lui brandissant des poncifs moraux : catastrophique posture du Président-philosophe face à un pays qui fait ce qu'il peut dans la gestion du réel.
Face à l'Allemagne, il continue de croire en Mme Merkel, personnage du passé, figure dépassée par une crise migratoire à laquelle elle n'a pas su donner les bonnes réponses.
Le Président Macron est un homme du passé. Un défenseur de la vision multilatérale des rapports entre les nations. Un tenant de l'Ordre libéral, et surtout libre-échangiste, qui étouffe l'Europe et une partie du monde depuis trois décennies. Un orléaniste, charmant et souriant, présentant bien, faisant bonne figure. Sur le fond, un démanteleur de services publics, un conservateur des acquis pour les nantis. Un libéral. La France méritait une autre vision. Cinq ans de répit pour l'Ancien Monde. Cinq ans de perdus.
Pascal Décaillet