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Empire ou Nation ? Contrastes du destin allemand

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Sur le vif - Mercredi 27.09.17 - 15.39h
 
 
Les chrétiens-démocrates allemands n'aiment pas les nations, mais l'Empire. Même lorsqu'ils construisent "l'Europe", ils réinventent une structure bien précise, qui a existé pendant un millénaire, de Charlemagne à 1806 (défaite d'Iéna) : le Saint-Empire.
 
 
Adenauer, "Européen" de la première heure, signataire du Traité de Rome en 1957, lorsqu'il tend la main au Français Schuman et à l'Italien De Gasperi, réintroduit l'Allemagne, sur les décombres du Reich, dans une construction dont l'axe Nord-Sud, le rôle de la catholicité, le principe d'arbitrage supranational, sont exactement calqués sur l'architecture du Saint-Empire. Avec ses réseaux de suzerainetés et de vassalités, sa décentralisation, son manque d'identification (à de notables exceptions, comme Charles Quint) du pouvoir suprême.
 
 
Kohl, Rhénan, catholique, avale d'un coup la DDR, à coups de milliards, avec une vulgarité sans précédent dans la méthode, le tout sous les applaudissements, sous le seul prétexte que cette DDR était communiste, et que l'Ouest représentait le camp du bien. Kohl, qui démantèle l'ex-Yougoslavie, avec son ministre Genscher, dans le seul but de rétablir les intérêts économiques des anciennes puissances tutélaires germaniques sur la Slovénie et la Croatie. Kohl, dont les services secrets ont joué au Kosovo un rôle qui, on veut le croire, sera un jour exposé à fond dans les livres d'Histoire. Kohl, entreprenant tout cela, tente aussi de refaire l'Empire. Dans sa politique balkanique, c'est flagrant.
 
 
Mme Merkel, c'est plus compliqué. Elle est CDU, mais vient de l'Est, où elle a grandi, et fait de brillantes études. Sa politique apparaît à la fois comme habile et hasardeuse, cohérente et chaotique, il faudra du temps pour en dégager des axes de lisibilité. Une chose, toutefois, est sûre : dans la question ukrainienne, elle joue le jeu d'une obédience atlantiste qui, à terme, ne servira pas dans la région les intérêts supérieurs de l'Allemagne, car un jour, les Américains se retireront d'Europe. Dans la question grecque, elle s'est comportée avec une suzeraine arrogance. Elle n'a cessé de donner des ordres à ce pays, lui fixer des conditions, au nom de "l'Europe". En fait, pour assurer la suprématie allemande.
 
 
Le pari du grand Frédéric II (1740 - 1786), c'était de reconstruire l'Allemagne à partir de la puissance prussienne. Avant Fichte, avant Bismarck, ce souverain d'exception (dont je ne me lasse pas de lire les actes et la vie) a pressenti l'idée allemande. Il est, au fond, le père de la nation allemande, telle qu'elle sera pensée, après sa mort, sous l'occupation de la Prusse par les Français (1806 - 1813), puis lentement mise en oeuvre au 19ème siècle. Cette grande aventure-là se termine avec fracas, puis silence, le 8 mai 1945. Allemagne, Année Zéro.
 
 
Se termine, pour un temps. Plus j'y pense, plus j'entrevois (en termes de nations, pas d'idéologie), l'année 1945 comme une défaite d'étape. Dévastatrice, certes, mais pas plus qu'en 1648, après la destruction des Allemagnes, à la fin de la Guerre de Trente Ans. A lire, Simplicius, le chef d’œuvre de Grimmelshausen, dont s'est tant inspiré Günter Grass, l'un des géants de la littérature allemande du 20ème siècle.
 
 
Construction nationale, ou impériale ? Là est la question centrale, quand on examine l'Histoire allemande, et le rapport très complexe, empli de non-dits, de ce pays avec ce qu'il est convenu, par facilité, manque de nuances, et au fond ignorance, paresse intellectuelle, d'appeler "l'Europe".
 
 
Je ne suis pas sûr que, confronté aux réalités tangibles de l'Histoire allemande depuis Frédéric II, notamment depuis la Guerre de Sept Ans (1756 - 1763), le mot "Europe", trop générique, trop diaphane, et au fond trop flasque, veuille dire grand-chose.
 
 
Pascal Décaillet
 
 

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