Sur le vif - Mardi 04.11.14 - 16.57h
Vous êtes dans un gouvernement, et déjà à court d’idées ? Pas de problème : il vous reste le questionnaire. Vous balancez à la population un vaste sondage, en modulant bien les questions comme vous en avez envie, et vous attendez que le génie naturel de la base vous souffle ce qu’il faut faire. C’est ce que vient de faire le ministre genevois des Transports, grand caresseur du peuple dans le sens du poil. Quel peuple ? Celui qui vote ? Hélas non : celui qui répond à des questionnaires. Nous ne sommes plus dans la démocratie, mais dans l’instrumentalisation de l’opinion majoritaire d’un moment, dépourvue de toute légitimité dans l’ordre du démos. Juste la majorité d’un sondage. Dans cette démarche, où est le ministre ? Où est le gouvernement ? Où se trouve l’Etat ?
Au moins, lorsque M. Longchamp refile aux communes, pistolet sur la tempe, un questionnaire à choix multiple inventé par lui-seul, et met en scène la prétendue lenteur des élèves à rendre la copie, les choses sont claires. On comprend que le gouverneur, de là-haut, a déjà pris toutes les décisions, et qu’il a juste besoin d’un alibi de consultation pour foncer dans la direction que seul, il entend suivre. Avec M. Barthassat, populiste de l’opinion, consultant « la population » et non le peuple citoyen, il n’y a pas à être davantage dupe. Certes, les choses se font avec moins de raideur que chez le Régent, mais l’utilisation du pseudo-aval majoritaire pour avancer dans une direction déjà prise, est claire.
Depuis plusieurs semaines, à vrai dire dès le soir du 28 septembre, le conseiller d’Etat, dont j’ignore ce qu’il a exactement négocié avec les Verts, prépare l’opinion à une remise en cause du libre choix des transports, principe constitutionnel dûment voté par le souverain, il y a quelques années. Comme par hasard, cette préparation de l’opinion était méticuleusement reproduite il y a quelques jours, sous la plume d’un chroniqueur de la Tribune de Genève. Revenir sur le libre choix, en répétant (et en faisant répéter) à l’envi que « l’hyper-centre » (expression qui par hasard surgit depuis la fin de l’été) doit être dégagé des voitures, c’est la stratégie, la vraie, du ministre. Car il en a une. Il sait où il va. Dès lors, qu’il l’assume, et nous épargne ces pseudo-consultations qui n’ont pour vertu que de peaufiner son image de magistrat qui écoute la base.
Ecouter est pourtant indispensable, quand on est au pouvoir. Mais le peuple qu’il faut écouter, c’est celui qui vote, qui décide. Et non la « population » (Bevölkerung) qui répond à des sondages. Ecouter le peuple qui décide, cela pourrait être, par exemple, respecter le vote, finalement récent, sur le libre choix du mode de transport. Plutôt que de poignarder par derrière cette disposition, en s’appuyant sur une prétendue majorité de l’opinion.
Pascal Décaillet