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Fais-moi peur, Adolf !

 

Sur le vif - Lundi 03.11.14 - 14.45h

 

Rassurez-vous, mon Adolf à moi n’est pas aussi méchant que celui auquel vous pensiez. Je dirais même que, lorsqu’il était conseiller fédéral, il était avec Jean-Pascal Delamuraz au rang de mes préférés. Je l’ai interviewé maintes fois, dont une fois à Kandersteg, et le voir en ses terres était saisissant. Bref, Adolf Ogi est un homme sympathique, il aime son pays, son enthousiasme fait plaisir à voir. Il fut, de mon point de vue, meilleur ministre de la Défense que des Transports, ayant considérablement sous-estimé, comme on sait, le coût des transversales alpines, ce qui lui a d’ailleurs coûté son Département. Mais enfin, c’est un homme qui a compté dans la politique suisse, et mérite le respect.

 

Mais il y a, ces dernières années, quelque chose d’un peu gênant, qui n’est pas dû à Ogi (il a bien le droit de répondre aux sollicitations), mais à la presse. Une tendance qui n’a certes pas encore atteint les dimensions de recours divinatoire d’un Pascal Couchepin, mais qui commence à poser problème : dès qu’un journal veut nuire à l’actuelle direction de l’UDC, il appelle en renfort le vieux combattant de l’Oberland. Et l’autre, ventre à terre, ceinturon à l’heure, surgit.

 

Le dernier exemple concerne Ecopop. Assurément, cette votation pose un problème à l’UDC. Les instances dirigeantes, Comité central et Assemblée des délégués, ont tranché dans un sens qui n’est manifestement pas celui d’une très nette majorité de la base. Cela, après le 30 novembre, laissera des traces et nécessitera des réglages. Mais enfin, c’est le genre de problème qui arrive à tous les partis, on l’a bien vu avec le PDC dans des scrutins récents. Lorsqu’Ogi en fait un drame, on aimerait que les bonnes âmes qui se précipitent dans l’applaudissement fassent preuve d’un peu plus de mémoire historique sur la lourdeur du contentieux entre le vaillant héros de Kandersteg et l’actuelle direction nationale du parti, issue d’une aile zurichoise et blocherienne qu’il a toujours détestée. Et pour cause : cette aile n’a cessé, pendant toutes les années où il était conseiller fédéral, de gagner du terrain, élection après élection, surtout depuis le 6 décembre 1992, donc de le minoriser. Il n’est pas inutile de rappeler à M. Ogi que cette progression constante d’un courant qu’il combattait s’est opérée, jusqu’à nouvel ordre, démocratiquement, dans des processus qu’on appelle « élections » ou « votations ».

 

Avoir avalé, du temps même de ses années de pouvoir, tant de couleuvres, ont rendu cet homme si jovial exagérément amer vis-à-vis des siens. Dès lors, chaque prise de position du Bernois, extatiquement rendue oraculaire par la presse, est – pour le moins – à décoder en fonction de ces antécédents. Mais il est tellement plus facile de jouer les groupies, entonner le chant de la morale, que d’expliquer la politique par l’enchaînement des événements historiques. Cela, qu’on aime ou non Ogi, il fallait une bonne fois le dire.

 

Pascal Décaillet

 

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