Mercredi 11.04.12 - 19.28h
Il y a des jours, comme ça, où la Faucheuse semble travailler à la chaîne. En ce 11 avril, elle emporte à la fois Raymond Aubrac et Ahmed Ben Bella. Deux hommes d'exception. Deux hommes qui ont su dire non. Avec éclat.
Entre eux, la lumière de la Méditerranée. Communément à eux, l'incomparable puissance d'un combat. Pendant que Lucie et Raymond Aubrac résistent, sur sol français, à la barbarie nazie, Ben Bella, 28 ans, fait partie de ces milliers de Musulmans algériens qui se battent pour la France, sous les ordres du futur Maréchal Juin, dans les montagnes escarpées d'Italie, du côté du Mont Cassin. Puis, avec un autre futur Maréchal, de Lattre, dans la légendaire 1ère Armée. « Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas », le Français de France et l'Algérien sous uniforme français. Fusion des destins.
C'est à Sétif, jour de la victoire, 8 mai 1945, neuf années avant le début de la Guerre d' Algérie, que tout commence. Sétif, où les Français fêtent la victoire en oubliant d'y inviter ceux qui ont tant contribué à la forger. Le sang coulera, la répression sera terrible, il faut lire Lacouture et tous les autres, comprendre comment, avec Messali Hadj et Ferhat Abbas, avait lentement mûri, bien avant la guerre, l'idée d'une Algérie maîtresse de son destin. Combattant du FLN, premier président de la République algérienne, Ahmed Ben Bella était, comme Aubrac, un homme qui avait dit non.
Dans une librairie arabe de Genève, il y a une quinzaine d'années, je j'avais aperçu. Tout calme, avec sa grande silhouette, à promener son regard sur des bouquins. Aujourd'hui, voilà ces deux hommes qui nous quittent. Deux destins. Auxquels on me permettra d'ajouter celui de Jean de Toledo, centenaire, incroyable figure du paysage genevois.
Hommage à eux. Hommage à ces hommes du temps des hommes, témoins du siècle. Il nous reste la mémoire. Notre bien le plus précieux.
Pascal Décaillet