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Gorge sèche

 

Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 18.04.11

 

La toute petite fille n’attend plus que le signal. Assise, droite, sur le tabouret, l’extrémité des doigts en apesanteur sur le clavier du piano à queue. Pas un souffle. Prête à attaquer. Sur un signe de Pascal Chenu, elle se lance. Dans toutes les auditions du monde, tous les oraux, toutes les émissions en direct, il y a toujours, juste avant, ce vertige de l’angoisse.

 

Passer l’oral. Commenter un passage de Phèdre, la scène de l’aveu, « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue… ». Gorge sèche, jusqu’à la douleur. Serrée. Prête à tout donner. Séduire, convaincre. Partager. La toute petite fille fut fort bonne, vendredi en fin d’après-midi, dans la Salle de répétition de Jaques-Dalcroze. D’autres, comme un garçon prénommé Renaud, éblouissants. S’offrir à la critique. Oser.

 

Celui qui, avant de prendre l’antenne, commenter Rimbaud ou déclarer sa flamme, n’est pas brûlé par la lame surchauffée de la peur, ne sera pas bon. Rite initiatique, oui. Où se jouent fermeture, ouverture, désir et panique, mort et naissance. Il faut passer par là. L’oral, ou l’audition, ou l’entrée en scène, n’ont rien à voir avec l’écrit. Ils sont d’un autre ordre, d’une autre brûlure, d’une autre jouissance. Il faut être un peu fou pour aimer ça. Singulièrement tourné. Entre l’herbe douce et la braise, toujours préférer fouler la seconde. Pour le bonheur du cri.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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