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La faim du mois

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Sur le vif - Et même à pleins crocs - Mardi 27.07.10 - 14.40h

 

Bon d’accord, il avait faim. Il est parfaitement légitime, dans la vie, d’avoir faim. Qui d’entre nous n’a jamais eu faim ? Il a été saisi d’une petite fringale, alors il s’est précipité sur deux génissons de l’alpage du Scex, sur les hauteurs d’Aminona. Et il les a dévorés. L’un des deux a trépassé. L’autre, déchiqueté, il eût été préférable qu’il mourût.

 

D’accord aussi, il n’a pas le salaire qui tombe à la fin du mois, ni chômage, ni sécurité de l’emploi, ni gîte, ni couvert. Être loup, c’est un état de noblesse, des essences de solitude à nulle autre pareilles, ça vous vaut l’amitié du fabuliste, l’admiration des lecteurs, le frisson du randonneur nocturne, l’éveil halluciné du chaperon au monde du désir. En sus (si j’ose), ça vous fait bêler de pâmoison les Verts des villes, et rien que cette intonation-là, ça vous délie les babines.

 

Il n’a rien à lui, le loup, et surtout ni niche ni collier, jamais nul ne l’a dit mieux que deux vers de La Fontaine. Bien sûr, loup c’est mieux que chien. Tout le monde en convient. Même les Verts de la ville. Même les chiens eux-mêmes, à cause du poids de ce collier, pesant détail de servitude.

 

Et puis loup, c’est littéraire. Chien, ça va limite pour la chansonnette. Mais, face à ces premiers princes du sang qui s’en viennent hanter les altitudes de nos alpages, attendre le câlin en bouffant du whiskas, en termes sartriens d’essence et d’existence, c’est un peu juste, vous ne trouvez pas ?

 

Donc, le loup d’Aminona a fait son œuvre. Déjà, celui du Val Ferret, là où opèrent comme bergers des cousins à moi, n’avait pas spécialement fait dans la dentelle à l’heure du goûter. Ah, mais c’est qu’ils ont la dent longue, ces aristos de la prédation, et c’est justement ce retour darwinien des bonnes vieilles lois de la nature qui extasient tant les Verts de nos villes. Les bergers n’auraient qu’à mieux protéger leurs troupeaux, ah les rustres, incapables de clore et leur terrain et le dossier !

 

Alors, va pour le loup, va pour le prince du sang. Adieu moutons, génisses, couvées, adieu le rêve de quelques hommes de s’accrocher, pour un salaire dérisoire, à cette montagne qu’ils aiment tant. Et bienvenue au loup. Willkommen, bienvenue, welcome ! À toi, mon loup d’amour, les herbes grasses de nos alpages. Avec la bénédiction des Verts de la Ville. Bienvenue. Et surtout, bon appétit.

 

Pascal Décaillet

 

 

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