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Dom Helder, revenez !

Commentaire publié dans le Nouvelliste - Samedi 14.03.09

Une petite fille de neuf ans enceinte de son beau-père, par viol. L’horreur absolue. Même pas la tragédie grecque. Non, au-delà. Quelque chose de plus archaïque, de plus primitif, de l’ordre de quelque théogonie dont les monstruosités divines se dévoreraient entre elles. Mais ça n’est ni la Grèce d’Hésiode, ni l’obscurité d’un conte ancestral, c’est le Brésil d’aujourd’hui. Dans la région de Recife.

La petite fille avorte. Il me serait très agréable que quelqu’un, ici, veuille bien venir, dans les yeux, m’expliquer ce qu’elle aurait pu faire d’autre. Elle a avorté, parce qu’elle n’avait strictement aucune autre solution. Parce qu’elle avait neuf ans, qu’elle avait été violée, que par surcroît cette ignominie s’était produite, comme souvent, au sein même du cercle familial. Alors oui, elle a avorté. Qui d’entre nous oserait remuer une seule lèvre pour juger ? Et encore moins pour condamner.

L’archevêque de Recife, lui, a osé. Dom José Cardoso Sobrinho a été saisi de la lumineuse idée d’excommunier la mère de la fillette, ainsi que l’équipe médicale ayant procédé à l’interruption de grossesse. Décision qu’il n’a, au demeurant, pas jugé bon d’étendre au beau-père violeur : « le viol, a déclaré le prélat, est moins grave que l’avortement ».

Voyez-vous, chers lecteurs, je suis catholique et vous le savez tous. J’aime mon Eglise, j’y suis attaché, j’aime cette communauté invisible à travers le monde. Je suis même le premier à rougir et m’échauffer lorsqu’un humoriste salarié, dimanche après dimanche, l’insulte, cette Eglise, en s’acharnant sur son chef spirituel.

Mais là, c’est trop. Je ne connais pas Dom José Cardoso Sobrinho, mais il se trouve qu’il est archevêque de Recife. Et que lorsqu’on évoquera à jamais cette fonction, devant l’Histoire, ça n’est pas son nom à lui qu’on retiendra, si ce n’est pour cette misérable prise de position. Mais le nom de son prédécesseur, qui aurait cent ans cette année, Dom Helder Camara (1909-1999), cette figure d’amour et de lumière, de tolérance et d’ouverture. Archevêque de Recife de 1964 à 1985, il aura illuminé le monde de son témoignage, dans une région pauvre parmi les pauvres.

Dom Helder, une fois de plus, comme au soir de votre mort, je pense à vous. Dom Helder, libérez-nous de la bêtise. Dom Helder, s’il vous plaît, revenez.

Pascal Décaillet

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