Ou: l'excroissance fruitée de l'Enfer
Édito Lausanne FM – Jeudi 05.06.08 – 07.50h
Ils n’en peuvent plus de l’annoncer en jouissant d’extase : Christoph Blocher serait de nouveau mort ! C’est reparti, comme au lendemain du 12 décembre, pour la danse de pluie, le grand discours du désensorcèlement, on danse nu sous les trombes, on se trémousse, on s’électrise de bonheur : l’Eden, mon bon Monsieur, enfin retrouvé avec ses fruits d’antan, ses mangues de nostalgie.
C’est incroyable, ce besoin de tuer absolument le monstre. Et surtout, hurler sa mort. Pour se convaincre de quoi ? De la fin d’un cauchemar ? Tout cela, ces vingt ans, n’auraient été qu’une parenthèse ? Ce parti, passé de 12 à 30%, n’aurait dû sa croissance qu’à la démesure d’une ambition ? Une spéculation, irréelle ? Le fruit d’une usure ? Un subprime ?
Ce qui gêne, c’est ce côté : « Le monstre va devoir s’éclipser, donc tout va rentrer dans l’ordre ». L’ordre d’avant. Le statu quo ante. « Tout cela n’était qu’un cauchemar, c’est fini, réveillez-vous, circulez ». Et puis quoi ? On repartirait comme avant, avec cette Suisse des cartels, cette fonction publique fédérale démesurée et mal organisée, sans priorités, juste des habitudes et des petits copains. Cela, le monstre a voulu le toucher, et même son pire ennemi, Pascal Couchepin, lui a en a rendu hommage.
Oh, le monstre passera, tout passe. Nous tous, aussi, passerons. L’Histoire fera son tri, élaguera. À coup sûr, et à juste titre, elle ne le mettra pas au rang des grands de l’après-guerre : Tschudi, Delamuraz. Mais n’imaginez pas qu’elle le jette aux orties. Le rapport de l’individu à l’Etat, la volonté citoyenne de mieux contrôler les budgets, la redéfinition de ce qui doit rester public et ce qui peut retourner au privé, tout cela ne fait que commencer. Avec ou sans le monstre. Avec ou sans les danses de pluie, la fureur des tamtams, les exorcismes et les conformismes. Avec ou sans l’Eden, qui n’est que l’excroissance fruitée de l’Enfer.