Édito Lausanne FM – Lundi 14.04.08 – 07.50h
Ah, quel bonheur de retrouver hier soir, dans l’émission Mise au Point, le visage honnête et souriant de Francis Mathey ! Socialiste et sympathique : rare confluence, inattendue comme le plus pointu des oxymores.
Début mars 1993 : comment pourrais-je oublier ces heures-là, pour les avoir vécues si intensément, à Berne, comme correspondant parlementaire ? Le Neuchâtelois René Felber vient de démissionner du Conseil fédéral, il s’agit de lui trouver un successeur. Les socialistes ne jurent que par Christiane Brunner.
L’Assemblée fédérale, le 3 mars, en élit un autre, le Neuchâtelois Francis Mathey, l’un des hommes les plus forts et les plus compétents, à l’époque, du Parlement fédéral. Mais cet homme, sous le poids de son propre parti, de l’aile féministe, de l’aile syndicale, se voit contraint de refuser son élection. Une semaine plus tard, le 10 mars, après un psychodrame sans précédent, le Parlement trouve une issue en élisant Ruth Dreifuss.
C’était l’époque où une clique de femmes socialistes terrorisait la politique suisse. La manière dont elles ont fait pression pour qu’un élu légitime au poste de conseiller fédéral en vienne finalement à renoncer, n’a strictement rien à envier aux méthodes qui sont tant reprochées, aujourd’hui, à l’UDC, face à Eveline Widmer-Schlumpf. Dans Mise au Point, hier soir, Francis Mathey est revenu sur cette abominable semaine, sans doute la pire de sa vie, où toute la Sainte Chapelle des Camarades faisait pression sur lui. Hier soir, bon bougre jusques au fond de l’âme, il se contentait de laisser perler son amertume, mais le décodage n’était pas si difficile.
C’était l’époque où les manifestantes, sur la Place fédérale, tellement furieuses de la non élection de leur diva, réclamaient en hurlant le départ d’un élu légitime. Mieux : à force d’une pression hallucinante et sans précédent, la rue a fini par obtenir ce départ. Et à l’époque, les beaux esprits et les beaux éditorialistes, unanimes, saluaient cette victoire de la masse et de l’opinion contre le Parlement.
Ce sont exactement les mêmes, aujourd’hui, qui n’en peuvent plus de nous faire la leçon sur l’absolue primauté de la légitimité parlementaire par rapport à la rue. Diable ! Y aurait-il, selon que le séisme atteint le saint PS ou l’odieux UDC, deux poids et deux mesures ?