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Liberté - Page 520

  • Torpeur, jamais !

     

    Sur le vif - Lundi 23.03.20 - 14.19h

     

    Qu'un bonhomme de mon style, prétorien dans l'âme, bonapartiste, exécutif jusqu'au fond de la moelle, entrepreneur depuis 14 ans, aimant décider et décider seul, puisse éventuellement se réjouir de la mise en congé des Parlements, il y aurait là une certaine logique. La "divine surprise" (je sais parfaitement à qui j'emprunte l'expression, et n'ai nul besoin qu'on me le rappelle) face à un système parlementaire dont il a, toute sa vie, dénoncé les lenteurs, la consanguinité, l'entre-soi.

    Eh bien justement, le bonhomme en question, votre serviteur, ne le fait pas. Au contraire, depuis quelques jours, il dénonce cette mise en veilleuse, appelle les parlementaires à se ressaisir, s'arranger pour siéger avec des moyens modernes, à distance. Rien ne justifie l'auto-dissolution soudaine d'un premier pouvoir qui fait la fierté de notre pays. On ne sauve pas une nation en gouvernant par arrêtés, directives, ordonnances. Même le Clemenceau de 1917/1918, au sommet de son énergie, affrontait la Chambre, ne serait-ce que pour lui dire : "Je fais la guerre !".

    Mais le plus fou, c'est qu'il se trouve, parmi les gens qui trouvent normale cette auto-castration du législatif, des parlementaires, et... des journalistes ! Les premiers sont membres d'un corps qu'il s'agirait de placer en léthargie. Les seconds, critiques du pouvoir par beau temps, se métamorphosent, à la vitesse de la lumière, en suppôts des exécutifs, à la première tempête.

    Pour ma part, je suis un citoyen et un petit entrepreneur. Je n'ai aucune intention d'abdiquer la moindre parcelle de ma faculté de décision dans ces deux domaines. Et l'énergie que j'y mettrai sera, au final, utile à tous, par un système de redistribution et de solidarité dont nous avons, plus que jamais, besoin.

    Respect des directives, oui. Torpeur, jamais !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Régime de crise, crise du régime

     

    Sur le vif - Lundi 23.03.20 - 07.49h

     

    Le Parlement fédéral veut siéger. Et il a raison ! En aucun cas, sous prétexte de crise, nos législatifs, aux trois niveaux de notre Confédération, ne doivent disparaître des radars.

    En leur absence, les exécutifs prennent très vite leurs aises, à force d'ordonnances, directives et arrêtés. Ils bénéficient du soutien d'une partie de l'opinion publique, et même de celui - autrement plus surprenant - d'une partie de la presse, comme cet éditorial ahurissant du Nouvelliste, qui appelait samedi les gens à se la coincer, purement et simplement. Elle doit s'évaporer à la première tempête venue, la fonction critique des citoyens ?

    La Suisse a besoin, en ces temps très difficiles, de ses trois pouvoirs institutionnels : l'exécutif, le législatif, le judiciaire. On peut comprendre que ces deux derniers fonctionnent au ralenti, privilégiant l'essentiel et remettant à plus tard l'accessoire. Mais pas qu'ils disparaissent !

    Nous devons assurément respecter les consignes de nos autorités. Mais nul d'entre nous n'est tenu de renoncer à son esprit critique. Toute citoyenne, tout citoyen de ce pays a le droit de faire connaître son point de vue. Il peut désapprouver les mesures, s'il les juge par exemple excessives, mais doit les appliquer. C'est cela, l'essence même de la République, cela au millimètre près, cette tension dialectique entre discipline collective et liberté de pensée. Aucune crise, sous aucun prétexte, n'a à remettre en question le second élément.

    Rappelez-vous le sticker : j'avais condamné comme inutile (à mes yeux) cette vignette, mais m'étais précipité pour l'acheter. On respecte les lois, mais on s'exprime.

    Quant aux Parlements de notre pays, ils disposent largement des moyens de faire leur travail sans que les députés ne s'agglutinent physiquement les uns aux autres ! Ils en disposaient déjà depuis des années, comme nous l'avons maintes fois souligné ici, bien avant cette crise. Le temps des diligences et des antiques Diètes est révolu, il faut révolutionner les modalités mêmes du travail parlementaire.

    Il n'est pas question que la Suisse, sous prétexte de crise sanitaire majeure, ne fonctionne plus qu'avec des exécutifs. Déjà, ces derniers s'accommodent fort bien de la vacance parlementaire. Déjà, ils prennent goût aux arrêtés, aux ordonnances, aux directives. Nous, Suisses, devons nous montrer très attentifs à ce que le régime de crise ne tourne pas gentiment en une crise du régime.

     

    Pascal Décaillet

     

     
     
     
  • Cela s'appelle la présence

     

    Sur le vif - Dimanche 22.03.20 - 10.38h

     

    Une Cathédrale plus nue et plus sobre que jamais. Juste quelques humains, distants les uns des autres. Seuls, au milieu du vide.

    Des mots remarquables, du Pasteur, sur les activités de guérisseur de Jésus, l'ambiguïté des miracles, les aveugles et ceux qui voient.

    Un organiste habité, qui chante en jouant. Quelques chanteurs (dont la remarquable Géraldine Cloux), au fond de l'autel. Le violon de Bianca Favez.

    Un Culte, sans les fidèles. Quelques fleurs, pas trop. Le bleu du vitrail, dans l'ocre pâle de la pierre.

    L'immensité du vide.

    Et pourtant, par le verbe et par la musique, par la distance et par le chant, par l'austère majesté des lieux, une incroyable puissance de l'invisible.

    Cela porte un nom. Cela s'appelle la présence.

     

    Pascal Décaillet