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Liberté - Page 1438

  • Doris, Vancouver et le son du silence

     

    Sur le vif - Dimanche 07.02.10 - 16.20h

     

    Présidente de la Confédération suisse, la conseillère fédérale Doris Leuthard passera quatre jours aux Jeux olympiques de Vancouver, cette ville magique dont Véronique Samson, dans l’une de ses plus belles chansons, nous dit qu’on n’y voit jamais le matin.

    On en est très heureux pour la Présidente. On ne doute pas une seconde du précieux réconfort de sa présence pour nos athlètes sur place. On n’a rien contre le principe. Mais là, comme dirait Didier Cuche, on a envie de crier : « Pouce ! ». Nous vous aimons bien, Madame Leuthard, mais nous ne sommes pas sûrs qu’au plus fort de la guerre économique que nous mènent nos chers voisins et amis, quatre jours de Colombie britannique constituent, en termes de communication, le meilleur des signaux.

    Oh certes, cette absence ne changera pas la face du monde, ni ne dégarnira le front de manière fatale. Mais le signal ! Notre Suisse, attaquée de toutes parts, n’a pas de gouvernement, tout le monde en convient : juste sept chefs sectoriels juxtaposés. Cette faiblesse de structure, précisément, prévue pour le calme plat, montre ses limites lorsque souffle la tempête. Pas de gouvernement, pas de cohérence, pas de force de frappe, pas de cabinet de guerre, pas d’unité de parole, sept langues, sept discours, et parmi eux combien de dérapages. Une imprudence de Micheline Calmy-Rey. Les gaffes répétées de M. Merz. Des conditions de crédibilité très difficiles pour le Conseil fédéral.

    Des conditions, désolé de casser la fête, qui ne rendent pas très opportun un déplacement présidentiel de quatre jours dans les embruns du Pacifique canadien. « Le son du silence, il faut l’avoir connu », chante Véronique Sanson dans « Vancouver ». On ne saurait résumer mieux la situation.

     

    Pascal Décaillet

     

  • M. Merz ne pourra plus se maintenir longtemps

     

    Sur le vif - Samedi 06.02.10 - 18.50h

     

    Jusqu’il y a un an – jusqu’à son année présidentielle – Hans-Rudolf Merz était le conseiller fédéral que j’admirais le plus. Excellent ministre des Finances, lucide et déterminé dans sa lutte contre l’endettement, homme de culture, parfait polyglotte, l’Appenzellois m’apparaissait comme une synthèse des qualités des Suisses : travailleur, pragmatique, allant son chemin contre vents et marées, sans trop se soucier de ce qu’on disait de lui.

     

    Hélas, il y eut 2009. Pour mille raisons, l’homme se révéla beaucoup moins bon comme fédérateur d’un collège que comme ministre sectoriel. Il est vrai, aussi, qu’il ne fut pas épargné par la Providence. Il n’est pas question de faire ici le procès de cet homme de valeur qui, face aux circonstances, a manqué de chance. D’autres, dans les années calmes, bien moins compétents que lui, sont passés entre les gouttes. Parce que la Suisse de ces temps-là était une Suisse sans enjeux. Parce que l’argent coulait à flots. Parce que Paris, Berlin (ou plutôt Bonn), Rome, Bruxelles et Washington, tout heureux de profiter de nos avantages, nous foutaient la paix. C’était le temps où on ne connaissait même pas, dans la rue, les noms des conseillers fédéraux. Ce temps-là, je ne le regrette pas une seconde : je préfère mille fois la douleur d’aujourd’hui, dans sa vérité et sa mise à plat des enjeux de pouvoir, à l’anesthésie béate de cette période.

     

    Homme de valeur, oui. Manque de chance, oui. Mais aussi, à entendre des langues qui se délient, en coulisses, jusqu’à l’intérieur de sa famille politique, un profil qui n’est pas celui d’un chef. Et, dans la parole publique en temps de guerre économique (oh oui, c’en est une), des glissements aussi ahurissants que coupables : à cet égard, le patron d’economiesuisse, son camarade de parti Gerold Bührer (ancien président du parti radical suisse) a raison de condamner aujourd’hui, sur la radio DRS, l’allusion de M. Merz, mercredi dernier, à l’échange automatique d’informations. Imagine-t-on un général faisant savoir à l’ennemi qu’il est prêt à abandonner telle part de terrain ? C’est tout bonnement suicidaire.

     

    Quand on ajoute cette gaffe à toutes les autres, en particulier dans l’affaire libyenne, on se dit que ça commence à faire beaucoup. Et franchement trop. Et ce murmure, grandissant, provient, de plus en plus, de son propre camp. Ce sont là les premiers signes d’un procédé de lâchage. Il est donc fort probable, au soir de ce samedi 6 février 2010, que Monsieur Merz ne puisse sans doute pas accomplir son mandat jusqu’au terme de législature, soit l’automne 2011. En clair, son départ devient, pour le pays, une option plus souhaitable que celle de son maintien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mektoub, tralala

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 04.02.10


    Deux partis pour un même fonds de commerce, c’est un de trop. Qu’on s’appelle Eric Stauffer ou Eric Leyvraz, point n’est besoin d’avoir fait Polytechnique pour le comprendre. L’un de ces deux partis, le MCG, s’apprête donc à dévorer l’autre tout cru, c’est écrit, mon ami, c’est le destin, et Mektoub et tralala, Stauffer c’est le milan, l’UDC genevoise, c’est la palombe.

    Et puis quoi, une OPA sur un parti concurrent, quand on a connu les fièvres prétoriennes des renversements de régime dans l’Océan Indien, c’est juste une promenade de santé, disons la descente de la Treille en chasse-neige.

    Donc, mon frère, moi, si j’étais Blocher (tu me pardonneras la déraison de cette hypothèse), je descendrais à Genève, histoire de secouer un peu les troupes. Tournées de popotes, bretelles à remonter, inspection du matériel, lustrage des gamaches, la routine.

    Je leur dirais : « Mais battez-vous, que diable ! Arrêtez de vous laisser marcher dessus par un type à qui on n’achèterait même pas un tracteur d’occasion. Bougez-vous. Existez. Ou alors, mourez. Mais au moins avec classe. Avec délicatesse. Avec panache. Soyez le loup de Vigny, face à la meute. Soyez comme ces sublimes animaux, dont je suis l’avocat. Soyez le dernier carré. Mourez, mais avec au moins le mot de Cambronne. Soyez Genevois, quoi. »

     

    Pascal Décaillet