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Liberté - Page 1376

  • Le silence de l’Amer

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 23.09.10

     

    Un Neuchâtelois muet, et un entrepreneur bernois parlant très mal le français. Avec le couple Burkhalter – Schneider-Ammann pour incarner, au plus haut niveau, le parti qui a fait la Suisse, il y a quelque chose de pourri au pays du cassoulet. De l’ordre d’une gouaille grognarde et populaire, un résidu d’Empire qui sentait bon la poudre et la gamelle.

     

    Où sont-ils, nos bons vieux radicaux, certes à nuques raides et ceinturons à l’heure, le Chevallaz de Belles-Lettres, le Delamuraz pirate et capitaine, une Louise dans chaque port, et même notre bon vieux Couchepin, sale tronche, inventeur d’inédites syllabes, bouffeur de PDC mais pas de curés, dernière figure avant l’entracte.

     

    L’entracte, ou la fin ? Le muet Burkhalter ne parle même pas le langage des signes. Et hier, en renvoyant à Saint-Gall, parce qu’elle brillait trop, Karin Keller-Sutter, le parlement a privé la Suisse d’une femme d’exception. Des comme elles, j’en veux bien cinq. Ou même sept. Je ferai Blanche-Neige, s’il le faut.

     

    Oui, le radicalisme tendance charbon et mazout de Robert Ducret se meurt. Pire : entre le silence de l’Amer et les borborygmes du Bernois, c’est toute une certaine dimension rhétorique du radicalisme suisse, populacière, qui se retrouve en berne. Comme une bataille sans l’Empereur. Ou une poudre sans odeur.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Velasco, le désir demeuré désir

     

    Sur le vif - Et sans décodeur - Mercredi 22.09.10 - 14.26h

     

    Dites 33 ! Les socialistes de la Ville de Genève ne manquent pas de gourmandise en présentant un nombre assez impressionnant de candidats sur leur liste pour le Municipal. Sympathique auberge espagnole, avec des hommes et des femmes, de jeunes pouliches et quelques chevaux de retour, des idéologues et des pragmatiques, un Papy Moustache et son épouse, on coupe, on mélange, on distribue.

     

    Espagnole, l’auberge l’est d’autant plus qu’on y découvre l’une des créatures plus attachantes du socialisme genevois, le très ibérique et très codé Alberto Velasco, l’homme à la parole oraculaire et à la polysémie triomphante.

     

    Il fut député. Il est constituant. Il a tout fait. Et il repart à zéro. A lui, René Char, dans les Feuillets d’Hypnos : « Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir ».

     

    Aux autres, quelques bons pour une louche de caviar, chez Globus.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Un grand prélat nous quitte

    Genoud.jpg

    Mercredi 22.09.10 - 11.36h

     

    Eclipsée par le vacarme du cirque fédéral, la nouvelle qu’on savait imminente depuis lundi : le décès du 80ème évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Mgr Genoud souffrait d’un cancer du poumon. Il avait 68 ans. Lorsque nous étions allés le voir cet été pour le Grand Oral de l’Assomption (15 août) à la Providence, en Basse-Ville de Fribourg, avec Fathi Derder, il nous avait frappés par sa lucidité et sa sérénité. « La maladie, nous avait-il dit, nous aide à grandir ».

     

    Qu’est-ce qu’un grand prélat ? Qu’est-ce qu’un évêque ? Je parle ici pour ceux qui se reconnaissent dans cette Maison commune-là. Et aussi pour ceux qui, au-delà de cette Maison commune, sont sensibles aux signaux d’humanité, là où ils sont. Un évêque n’est pas, n’est plus, ne doit plus être un prince, comme ce fut trop longtemps le cas dans une Eglise catholique beaucoup trop accrochée au pouvoir. Pas un prince, mais un homme au milieu d’autres hommes. Pour avoir très bien connu Mgr Genoud, j’affirme qu’il fut cet homme-là.

     

    On se souviendra de sa culture et de sa simplicité. On se souviendra de l’évêque au bistrot, clope au bec, n’opérant nulle distinction entre les êtres qui l’approchaient. On se souviendra du philosophe et du musicien, enfant de ce pays fribourgeois où ces deux disciplines sont tant à l’honneur. On me permettra de retenir la clarté du regard, la plénitude du sourire. « La maladie nous aide à grandir ». Ceux qui, une fois dans leur vie, ont été malades, comprennent.

     

    Mgr Genoud était un évêque au milieu des hommes. Hommage à lui, aujourd’hui ailleurs. Quelque part.

     

    Pascal Décaillet