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Liberté - Page 1375

  • Léger, Hodgers, léger…

     

    Sur le vif - Et avec la gravité d'une plume dans le vent - Dimanche 26.09.10 - 13.23h

     

    Antonio Hodgers connaît-il la Suisse ? A-t-il déjà, une fois dans sa vie, pointé son nez dans le canton d’Uri, où la vie quotidienne est à quelques milliers d’années-lumière de celle d’un bobo urbain branché de Genève ? A-t-il entendu parler de la paysannerie de montagne ?

     

    Uri, et quelques autres cantons de Suisse centrale, coupables, aux yeux du Vert à soie d’en-deçà de la Versoix, d’égoïsme et de manque de solidarité vis-à-vis de cantons comme Genève, davantage touchés par le chômage.

     

    Il vient de le dire, sur les ondes de la RSR. Et c’est une énormité. Cette manière – surtout quand on n’a pas fait campagne – de culpabiliser le vainqueur est non seulement hallucinante, mais elle traduit une profonde méconnaissance du pays, des disparités entre régions de montagne et grands centres urbains gavés d’infrastructures, de la réelle répartition des produits intérieurs au sein de la Confédération.

     

    Et puis quoi, si Uri n’a qu’1% de chômage, c’est plutôt à l’honneur des Uranais. D’avoir une économie qui fonctionne. Et peut-être aussi, accessoirement, de ne pas se précipiter à la première occasion pour aller sucer les mamelles d’un Etat-Providence. Au royaume de l’insoutenable légèreté, un sceptre et une couronne pour Antonio le Magnifique.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Adieu, Madame Widmer-Schlumpf

     

    Sur le vif - Et l'air de rien - Vendredi 24.09.10 - 18.25h

     

    Elle est parvenue aux affaires par la trahison, elle en sortira, dans un peu plus d’un an, par une autre trahison. Celle de ceux-là mêmes qui l’avaient, dans un pronunciamiento de fortune ne visant qu’à se défaire d’un homme trop fort et trop encombrant, portée au pouvoir. Ce jour-là, le glaive se retournera contre Eveline Widmer-Schlumpf. Personne ne pleurera. Surtout pas le triumvir qui avait ourdi, dans quelque alcôve du Bellevue, la singulière irruption de cette Grisonne dans l’Histoire suisse.

     

    Ce qui a sonné le glas d’EWS, c’est le remarquable succès de la candidature de combat de Jean-François Rime, le 22 septembre. Oui, l’UDC est de retour, elle n’était d’ailleurs jamais partie, oui l’idée de lui restituer son dû chemine sous la Coupole, oui la trahison isole, finit toujours par se payer. Oui, le Climatique peut brûler d’envie d’empoigner le Flandrin, il a bien fallu quelques Verts, en plus de quelques PDC de Suisse centrale, pour que Rime fasse un tel score. Oui, il arrive toujours un moment où Brutus, Cassius et Antoine finissent par s’étriper. C’est dans Plutarque. Dans Shakespeare. Dans l’immuable et sublime noirceur de l’être humain.

     

    Donc, le Flandrin a tort. De quoi ? De voler aujourd’hui, dans Le Temps, au secours de l’Usurpatrice. Et le reste de la droite suisse a bien raison de préparer l’année des adieux. Vous les verrez, ce seront les mêmes. Ceux qui l’avaient portée aux nues, lui porteront le coup fatal. Ainsi va la politique. Ainsi tourne le carrousel des choses humaines. Et les mêmes, les tyrannicides d’hier, seront comme Edith Piaf, à qui elle ressemble tant : non, rien de rien, non, ils ne regretteront rien.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Bernard Genoud, un homme parmi les hommes

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Jeudi 23.09.10

     

    La mort d’un évêque n’est rien d’autre que la mort d’un homme. Homme, parmi les hommes. Mort, parmi les morts. Face au terme, face à ce mystère, il n’est plus ni crosse ni mitre, ni princes de l’Eglise, ni places d’honneur dans la Fête-Dieu, ni bruissements de courtisans. Il n’y a plus que l’équation de cette vie qui s’arrête. Pour aller où ?

     

    La mort de Mgr Genoud est justement celle d’un homme au milieu des siens. Pas d’un évêque. Même pas d’un prêtre. Même pas d’un baptisé. Non, juste un être humain. La mort est la mort, elle est notre lieu commun, elle est le lot des choses humaines. L’accomplissement, enfin, de l’égalité. Il n’y a pas de mort d’évêque, ni de prince. Il n’y a que la mort des hommes. Et d’abord, il est grand temps que les évêques ne soient plus princes. Mais serviteurs.

     

    Cette Eglise que j’aime et qu’a si bien servie Mgr Genoud, n’est jamais aussi catastrophique que dans les allées du pouvoir, jamais aussi sublime que dans la résistance. Adieu les princes, adieu lambris étoilés, l’heure qui sonne est celle de Dom Helder, des grands saints de la marge, des illuminés méprisés par la Raison, des bergers visionnaires. Et, sans doute aussi, de quelques hautes solitudes, du côté de Riddes. Qui serions-nous, nous les raisonnables, pour les condamner ?

     

    Bernard Genoud n’était ni ermite, ni mondain. Juste un homme au milieu des autres. Il portait la parole, et je sais qu’à la fin, il a aussi porté sa croix. Avec Fathi Derder, nous sommes allés le voir début août à l’EMS La Providence, en Basse-Ville de Fribourg, pour un grand entretien télévisé diffusé le jour de l’Assomption. C’est un homme simple et serein que nous avons rencontré. Il nous a dit que la maladie le grandissait. Sa souffrance n’était pas celle d’un évêque, mais un fragment de notre passion à tous, hommes ou femmes, croyants ou non. La passion des humains sur la terre.

     

    Quel plus beau message de la part du responsable d’un diocèse, cette unité fondamentale des premiers temps chrétiens, que l’acceptation et le partage de sa souffrance ? La sienne, la nôtre. Celle de notre espèce. Hier, c’est lui qui est mort. Demain, nous. Et le mystère est toujours là. Comme une dalle ouverte. Silencieuse. Et déjà invisible.

     

    Pascal Décaillet