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Liberté - Page 1142

  • Vers quels rivages ?

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 01.02.13


     
    La Suisse est une petite fleur fragile. Petit pays, l’un des plus menus d’Europe, pas tant de richesses naturelles, une Histoire complexe et passionnante, vingt-six Etats en un, comme un condensé ventral des tensions de l’Europe. Nous sommes au cœur de ce continent, en parlons les langues, lui livrons les eaux de nos fleuves, y passons nos vacances, et eux chez nous. Nous avons juste fait le choix de ne pas être dans l’actuelle institution appelée Union européenne. Mais européens nous sommes, jusqu’aux tréfonds de nos identités.


     
    Fragile, parce que le pays, au moins depuis 1848, s’est construit sur la magie de quelques équilibres. Les langues, les religions, la ville et la campagne, la plaine et la montagne, les régions prospères et la périphérie. Mais aussi, la dialectique de la Raison, chère aux radicaux historiques, avec ou sans l’Equerre, face à la chaleur émotive, plus immédiate, de l’appartenance. Dans « pays », il y a paysage, paysan, toute cette dimension de l’indicible, ce qui nous relie. Je ne puis, par exemple, depuis l’aube de mon âge, apercevoir le Catogne (en arrivant, depuis le Léman), ni le Grand Combin, ni le Dolent, sans être aussitôt saisi d’émotion. Ce lien est aussi celui avec la mort, le souvenir de ceux qui nous ont quittés, si présents.


     
    Je ne puis penser au pays sans songer à la mort. Sans tristesse, juste la puissance du lien. Aimer le pays, c’est avoir infiniment parcouru son Histoire. Vingt-six Histoires ! Toujours à réécrire. Ni le mythe béat du Grütli, ni la coulpe excessive des années Bergier. La lente maturation d’un pays, puis celle d’une démocratie. Avec, à partir de 1848, des institutions exemplaires, que l’étranger nous envie. Ces vingt-six Histoires cantonales, toutes plus passionnantes les unes que les autres, il nous faut les pénétrer, doucement. Elles nous offrent un tableau saisissant de nos réalités multiples, loin de l’archaïsme, à vrai dire une modernité sans cesse réinventée. Ils ont chassé le patricien, érigé le bourgeois, codifié leur vies communautaires. Et puis, dès le milieu du dix-neuvième, ils ont ajouté à leurs vingt-cinq communautés un échelon supérieur. Librement consenti !


     
    J’ai à peu près tout lu ce qui était lisible sur le Valais du dix-neuvième, les bagarres entre conservateurs et radicaux, idem sur Vaud, Genève. L’Histoire industrielle, aussi, des premières filatures de Suisse orientale à nos biotechs d’aujourd’hui. Bien sûr que le pays avance, il n’est de régression que dans nos peurs. J’ai aussi, passionnément, aimé  l’Histoire de notre presse : vingt-six Histoires. Et les idées qui passent, et s’entrechoquent. Et le pays qui, doucement, se construit. Et les morts, ces chers morts, qui revivent. Et la vie qui nous emporte, la vie sublime, la vie qui va. Vers quels rivages ?


     
    Pascal Décaillet

     

  • Bergier, on a donné, merci !

     

    Sur le vif - Lundi 28.01.13 - 14.35h

     

    Non, pitié, la Suisse ne va pas re-sombrer dans une période d'auto-fustigation comme celle, détestable, que nous avons vécue dans les années 90, à l'époque du Rapport Bergier.

     


    Nous avons, aujourd'hui, autre chose à faire. Notre pays est en proie à de grandes difficultés avec certains de ses voisins. L'heure n'est pas à la culpabilisation interne. Bien sûr que nous n'avons pas été parfaits pendant la Seconde Guerre mondiale, qui l'a été ? Bien sûr que nous avons des choses à nous reprocher. Mais enfin, en comparaison avec nos chers voisins, je ne suis pas certain que le comportement de la Suisse entre 1939 et 1945 soit le sujet principal de cette guerre.



    L'heure n'est pas à la coulpe. Au contraire, l'heure est à la valorisation de nos singularités, notre démocratie directe, notre fédéralisme, le respect de nos équilibres internes. Cela, aujourd'hui, doit primer sur tout: nous devons êtres fiers de notre pays.



    Alors, désolé, Messieurs les ressasseurs et les salisseurs, mais vous repasserez.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Grand Conseil: l'extase de l'entre-soi

     

    Sur le vif - Vendredi 25.01.13 - 20.00h

     

    Elles furent bien pénibles, et méchamment pesantes, les vingt premières minutes du Grand Conseil, ce soir. Un député s’en va, on se relaye pour lui passer la pommade. Une tradition ? Ça n’est pas une raison pour ne pas s’en étonner. Car enfin, l’hommage à Guillaume Barazzone, qui quitte le cénacle pour avoir été élu à l’exécutif de la Ville, fut trop long, trop appuyé. On eût cru la Chambre de 1957 se séparant d’un Edouard Herriot l’ayant maintes fois présidée, et y ayant siégé pendant un demi-siècle. Ou l’Angleterre, prenant congé de Victoria.

     

    Surtout, ces effusions, plus ou moins talentueuses, de rhétoriciens plus ou moins fluides, ont la tonalité, au mieux, d’un repas de fin d’année, ou de quelque propos de mariage, à l’heure bienfaisante du mousseux. Et n’ont rien à faire, sur une telle longueur, dans l’enceinte d’un Parlement dont la mission première est d’être au service de la population. Et non de se regarder le nombril.

     

    Le signal : une fois de plus, une caste parlementaire genevoise qui se parle à elle-même, se félicite elle-même, se fait rire elle-même, au milieu d’un immense miroir. Les députés de l’entre-soi. L’extase de l’autocongratulation. Tragi-comédie en cercle fermé, même pas de craie, même pas caucasien. Juste une corporation de notables, heureuse d’être ensemble.

     

    On en est très content pour elle. Vivement le 6 octobre.

     

    Pascal Décaillet