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Liberté - Page 1140

  • Le Roi est mort !

     

    Sur le vif - Samedi 22.09.12 - 09.10h

     

    Si tu assistes à l'assassinat d'Henri IV, en 1610, dis-nous "Le Roi Henri IV vient d'être assassiné". Immédiatement après, essaye d'en savoir un maximum sur l'assassin, ses motifs, l'arme du crime. Renseigne-toi sur ce Ravaillac, est-ce un fou, l'acte est-il juste individuel, ou alors motivé par la politique, l’Édit de Nantes, les Guerres de Religion ? Interroge la foule, aussi, est-elle émue de perdre ce si grand souverain ? Tout cela, et plein d'autres choses, qui donneront à ton papier du contexte, du corps, de la hauteur, de la dimension. Tout cela, oui. Mais si tu commences par autre chose que "Le Roi Henri IV vient d'être assassiné", change de métier.


    Pascal Décaillet
     
     
    Extrait d'une "Lettre à un jeune journaliste" que je n'ai jamais écrite, et ne contient pour l'heure que cet extrait.



  • Avez-vous déjà couché avec un squelette ?

     

    Sur le vif - Vendredi 21.09.12 - 19.04h

     

    A part deux ou trois entretiens en allemand avec lui, dans les Pas perdus du National, je n’ai jamais eu l’occasion d’une véritable discussion avec Christoph Mörgeli. Mais je le lis tous les vendredis, dans les colonnes de la Weltwoche, avec admiration face à la braise de son style. C’est un polémiste hors pair, comme il en existe peu dans la presse germanophone, si ce n’est dans la grande critique littéraire du samedi. Il fut aussi, en alternance, mon voisin de chronique dans le Nouvelliste, c’était toujours intéressant de le lire, mais l’effet de la traduction faisait perdre à sa plume une partie de son effervescence. Il n’est de style que dans sa propre langue, celle de sa mère. Le reste, c’est au mieux de l’élégance, ce qui n’est certes pas rien.

     

    Je partage certaines idées de Mörgeli, sur la souveraineté nationale, par exemple, en déteste d’autres, sur le rapport à l’immigration, ou les minarets. Mais enfin, voilà une tête bien faite, un homme brillant, on le devine qui dérange à tous les étages, à commencer, comme toujours en politique, par ses proches, au sein du parti. Et voilà que pour d’obscures raisons, le Professeur Mörgeli, spécialiste d’Histoire de la médecine, se trouve avoir des problèmes avec son employeur, qui a fini par le virer. Cela s’appelle un conflit du travail, il y en a des milliers par jour en Suisse, c’est extraordinairement difficile à vivre sur la place publique, surtout évidemment pour l’employé, qui se retrouve seul non seulement contre une machine, mais face à l’armée de ses ennemis qui profitent de la situation pour le flinguer.

     

    Qu’ils profitent, c’est une chose, vieille comme le monde. Parmi les humains, il existe hélas bien davantage de combattants de la 25ème heure que de chevaliers. C’est ainsi. Et ma foi, que les socialistes, les Verts, les PDC, les PLR, les PBD, et même les UDC anti-Mörgeli, saisissent l’aubaine pour se ruer sur le baudet, c’est la vie, c’est le jeu. Idem pour les journaux anti-UDC, soit la quasi-totalité des publications en Suisse. Idem pour les TV, radios privées anti-UDC, sites internet anti-UDC, chapelles anti-UDC, Loges anti-UDC, admettons toujours que c’est de bonne guerre.

     

    Ce que je comprends moins, c’est l’acharnement des ondes de « service public », notamment en langue française, à multiplier, depuis des jours, les têtes de journaux, les dossiers à multitraitements sur cette affaire. Si au moins M. Mörgeli était Romand, personnalité très connue du grand public, admettons encore. Mais enfin, tout idéologue de l’UDC qu’il soit, on a tout de même affaire à un conseiller national zurichois, en conflit avec une Université zurichoise, dans une querelle dont l’aspect zurichois n’est pas le moindre, ça me donne presque envie d’aller rechercher dans ma bibliothèque le livre « Mars », de Fritz Zorn.

     

    Oui, les services de M. de Weck en font trop sur cette affaire. Oui, ils la montent en épingle. Non, il leur est totalement impossible (le micro, pour qui sait écouter, révèle la tournure des âmes) de cacher leur jouissance, la halètement de leur Schadenfreude, face aux malheurs professionnels de celui qui doit bien représenter, depuis une décennie, leur pire ennemi avec Blocher. L’ennemi redouté, parce qu’intelligent, talentueux, irréductible au cliché indécrottable de l’UDC adepte des Fêtes de lutte à la culotte. Alors, haro sur lui, plein feux sur l’homme aux squelettes. D’ailleurs, dites-moi, que diable fabrique-t-il, depuis tant d’années, lui l’homme d’esprit, au milieu des squelettes ? Relit-il Baudelaire ? Objectif Lune ? L’ombre souriante, quoiqu’un peu édentée, de la nécrophilie, pose-t-elle sur lui de sulfureux désirs ? Il fallait le diable, le voilà. C’est tellement simple, la vie, quand le diable perd son travail. Bonne soirée à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Juste la mathématique d'ombre

     

    Sur le vif - Mercredi 19.09.12 - 16.56h

     

    Succession Maudet à l’exécutif de la Ville de Genève. Cour des Comptes. Gouvernance des grandes régies. De l’un à l’autre de ces trois dossiers, le royaume éhonté des petits copains. Même plus par derrière. Mais non : au grand jour, devant l’opinion publique ! Elle sait, on sait qu’elle sait, on n’y va même plus à la dissimulation, on accomplit la tragi-comédie des prêtés et des rendus, des retours d’ascenseur, des cooptations de chapelle, sans la moindre vergogne. Me revient en mémoire ce couple de chiens que j’avais vus en pleine étreinte, enfant, sur la place publique d’un village de Provence. C’est la vie, je sais, la nature, mais vous savez quand on est tout petit, cette irruption du sauvage, ça fait quand même un peu bizarre. Oui, Monsieur, les canidés en rut, dans les hautes sphères genevoises, ne se cachent même plus.

     

    Copinage. Un ou deux types, disons trois, tout en haut, qui placent les cartes comme dans une réussite. Il faut un nombre bien précis de rois, disons PLR, quelques valets PDC, les dames on les oublie, les as, on les a perdus. On mélange, on bidouille, on coupe, on cueille discrètement  le complément dans sa manche, on adresse un clin d’œil à la Fortune, on annonce l’atout, on se partage la mise. Et ça s’appelle la Cour des Comptes, où on se conduit comme d’obscurs valets de ferme face une femme que son parti avait déjà choisie, et qu’on éconduit au dernier moment, sans la moindre explication. Et ça s’appelle la Migros et les TPG, où on lance le jeu d’échanges, en sifflotant, l’air de rien, comme en d’insouciantes fléchettes. Et ça s’appelle le pacte PLR-PDC pour l’exécutif de la Ville. Et ça s’appelle le joyeux mélange de tout cela, sans même l’ivresse, non, la tête récréative, toute sonore encore de l’acte commis. L'Acte !

     

    Les chiens de Provence, eux, étaient au moins conduits, impérieusement, par la fureur d’un rapprochement. Là, rien. Rien, si ce n’est la glaciale mathématique des intérêts. La bourgeoisie de Province, hélas sans la plume d’un Balzac, ni d’un Mauriac, sans l’œil d’un Chabrol. Juste la mathématique d’ombre. Avec l’exacte raideur de l’équinoxe.

     

    Pascal Décaillet