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Liberté - Page 1134

  • Grand Conseil : la comédie des invalidations

     

    Sur le vif - Samedi 17.11.12 - 11.17h

     

    Citoyens de ce canton, chacun d'entre nous est libre de penser ce qu'il veut de l'initiative 150, du parti socialiste, sur les multinationales et les emplois. Et justement, parce que nous sommes une République de citoyens libres, adultes et responsables, c'est à nous, au corps électoral tout entier, au "Conseil général", de nous déterminer sur ce texte, qui a obtenu les signatures.

     

    Au niveau cantonal, comme à celui de la Confédération, ces histoires d'invalidations par des parlements sont totalement détestables. Une initiative est une affaire entre les initiants et le peuple. Elle ne devrait, en saine démocratie, pas regarder le parlement. C'est justement parce que les corps intermédiaires écoutent mal le peuple, que le peuple réagit, de la base, avec cette chance exceptionnelle dont nous disposons en Suisse, la démocratie directe.

     

    En invalidant un texte, les élus, feignant de prendre une décision juridique, prennent toujours une décision politique. De quoi a eu peur, hier, la majorité de droite du Grand Conseil ? Du peuple ? Sur un texte ayant obtenu les signatures nécessaires, on confisque au corps des citoyens le droit de se prononcer. Décision certes légale, mais de nature à accroître encore le fossé entre la population et la caste parlementaire. Il conviendra, lors du renouvellement des autorités, dans moins d'un an, de s'en souvenir.

     

    Pascal Décaillet

  • Dominique Louis, dans l'ocre de l'automne


     

    Dimanche 11.11.12 - 15.35h

     

    Ce matin, 11h, Parc Mon Repos, monument aux morts. 94 ans après, cérémonie du souvenir. Les couronnes et les gerbes, aux couleurs éclatantes, sur fond de nature plus belle encore : les jaunes et les ocres d’un dimanche de novembre, sous la pluie. Musique. Défilés. Et Dominique Louis qui prend la parole.

     

    Existe-t-il, au fond, un homme qui aime autant Genève que cet infatigable serviteur de l’Etat, à la retraite depuis peu ? Des paroles d’élévation. La mémoire, au service du présent. L’honneur aux morts, pour ancrer les vivants dans la dignité. Une citation du Général Dufour, à ses soldats, en 1847, juste avant la guerre du Sonderbund. Dans cette cérémonie qui eût pu être celle d’une clique, ou d’un cartel commémoratif, les paroles de Dominique Louis font sauter les verrous. Elles définissent la République comme le trésor de tous. Elles nous rassemblent.

     

    Je connais Dominique Louis depuis trente ans. Janvier 1983, cours d’hiver du rgt inf 3, le « régiment genevois », dans la neige, l’extrême froidure, les igloos. Il commandait, avec un inimaginable panache, la compagnie d’état-major. Il était partout, sa courtoisie hors du commun, son humour et sa délicatesse ont fait de lui le plus grand gentleman qu’il m’ait été donné de fréquenter sous les drapeaux.

     

    C’était, ce matin, une très belle cérémonie. Voir Duchosal défiler au premier rang m’a réchauffé le cœur. C’étaient des mots, des gestes, des notes de musique qui partaient de Genève, son humus d’automne, non pour disparaître, mais pour simplement s’élever. Dominique Louis : un homme debout, avec, dans la simplicité et l’élégance du verbe, le passage si rare de la transcendance. Merci, Dominique, et à tous les organisateurs de ce moment de chaleur et de présence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La presse et Obama: où est le sens critique ?

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 09.11.12


     
    Il est beau, il est grand, il est l’homme fort. Le Messie. Il y a quatre ans, déjà, on nous l’avait présenté comme une icône, le Sauveur. Il y a trois ans, alors qu’il n’avait encore rien fait, on lui a attribué, parce qu’il est une icône, l’un des Prix Nobel de la Paix les plus foireux de l’Histoire. Ensuite, ces dernières années, ceux-là même qui l’avaient encensé se sont un peu calmés. Ils sont redevenus critiques, ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être. Ils ont reconnu le fossé abyssal de la dette, la mise en application folle de la planche à billets pour faire du dollar une valeur surestimée, fictive, dénuée de toute garantie. On se disait que nos beaux esprits, dans la presse suisse, étaient revenus à la raison, et pouvaient désormais parler d’Obama de manière normale, et non comme prostrés devant l’autel.


     
    Las. Le temps d’une campagne de réélection, dans la dernière ligne droite, une bonne partie de la presse nous a, une fois de plus, livré le spectacle de sa capacité d’unanimes dévotions. Comme il y a quatre ans, il n’y en a plus eu que pour Obama. Systématiquement, Mitt Romney se trouvait ravalé au rang de vieux réac, son conservatisme jugé d’un autre âge, ses options religieuses (Mormon) décrites comme dangereuses pour l’Amérique et pour le monde. Dans le même temps, toute la part négative du bilan d’Obama, en matière économique et financière notamment, était passée sous silence, sa discrétion en politique internationale aussi, il fallait laisser la place à la recréation du mythe. Et le mythe, le temps d’une réélection, fut à nouveau activé !
     


    Ce qui m’intéresse ici, ça n’est pas Obama, assurément un homme de grande valeur. Mais ces éternelles postures de génuflexion, chez nombre de nos beaux esprits, face à qu’ils considèrent comme l’incarnation du Bien. Une génération qui n’arrive pas à concevoir la politique autrement que sous l’angle de la morale. Alors, parce qu’Obama « a l’air » d’un type très bien, on le sanctifiera. Et le challenger, du coup, issu de ce parti de brutes auquel on n’a jamais rien compris en Europe, on le diabolisera. L’idée même que l’image Obama ait pu être le produit  - certes génial – d’une construction médiatique, avec les attributs du Sauveur, ne les traverse pas.
     


    Nous ne sommes plus dans les années trente. Il n’est plus nécessaire, aujourd’hui, pour accéder au rang d’idole, de marcher sur Rome à la tête de quelques faisceaux, partir à la reconquête de Fiume ou annoncer triomphalement la chute d’Addis-Abeba. On y parvient beaucoup plus simplement en respectant le jeu de la démocratie, en façonnant avec génie (il faut en avoir, c’est sûr) une image. En jouant surtout, non plus sur la noirceur, mais sur les vertus immaculées du bien. Que cela fonctionne sur une groupie, est une chose. Que cela aveugle toute vision critique chez ceux dont ce devrait être le métier, m’inquiète un peu plus.


     
    Pascal Décaillet