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Sur le vif - Page 1007

  • Maudet, Blocher, et le peuple de la nuit

     

    Sur le vif - Vendredi 27.05.11 - 16.51h

     

    La Suisse de Christoph Blocher est-elle à ce point incompatible avec celle de Pierre Maudet ? Le pays des valeurs traditionnelles, le sentiment tellurique qu'on éprouve pour un lieu, un paysage, doit-il à tout prix s'opposer à celui des échanges et de l'ouverture ? En mettant face à face les deux hommes, le Temps a réalisé une belle opération, en tout cas marketing. Mais cette dialectique-là, où tout concourt au contraste le plus vif, jeunesse contre vieillesse, gauche du parti radical contre droite de l'UDC, allumé urbain contre hobereau des fêtes de lutte à la culotte, relève, à bien des égards, de l'artifice. En réalité, en Suisse, les radicaux, sur 80% des sujets, sont proches de l'UDC. Fulvio Pelli, avec qui je viens de passer une partie de la matinée à Lausanne, en compagnie d'Alexis Favre, nous le confirmait encore tout à l'heure.

     

    Le débat, dans les colonnes du Temps, est très intéressant. Mais il faut prendre les choses en amont : hormis pour les délices de souligner les fractures internes aux droites suisses, pourquoi ce quotidien a-t-il organisé cette opération ? Pour exalter les vertus d'ouverture et de modernité des héritiers des Lumières face à l'obscurité de la Vieille Suisse, celle de la terre et du sentiment d'appartenance ? A ce petit jeu, pour le lectorat de l'arc lémanique - celui du Temps - notre jeune urbain branché obtient évidemment une victoire facile. Il apparaît comme porteur d'avenir et visionnaire, là où son adversaire demeurerait captif du passé. Le récurrent, l'éternel cliché de la droite libérale, et pro-européenne, contre l'UDC. Qui n'a d'ailleurs jamais empêché cette dernière de progresser, élection après élection, ni les « éclairés » de régresser. La Suisse serait-elle, en son âme dormante, un peuple de la nuit ?

     

    Pierre Maudet est presque un radical de gauche, Blocher assurément un UDC très à droite. Maudet fait partie du quart des Suisses (et de la très petite minorité au sein du parti radical) qui rêvent d'aller dans l'Union européenne. Blocher, des trois quarts de nos compatriotes qui n'en rêvent pas. Maudet est jeune, brillant, impatient. Blocher septuagénaire, incroyablement combattif, mais il sait se montrer immobile, briscard, patient. Il y avait donc tous les ingrédients pour réussir un binôme de rêve : oui, le Temps a réalisé un excellent coup. Derrière l'éclat marketing, une réalité toutefois : les radicaux et l'UDC, en Suisse, peuvent collaborer sur une multitude de sujets, allant de la gestion des finances publiques à la fiscalité, en passant par l'énergie (ils savent, eux, résister aux modes d'un moment), une bonne partie des sujets agricoles. Vouloir absolument opposer ouverture et fermeture, jeunesse et vieillesse, réseaux et solitude, relève, pour le moins, de l'artifice. Ce que nous offre le Temps, c'est un débat Maudet-Blocher. Ca n'est en aucun cas le débat national PLR-UDC.

     

    Dommage enfin que le plus jeune ait cru bon de brandir à certains moments la carte de l'arrogance : « Deux visions s'entrechoquent et ne peuvent se rencontrer : celle d'une Suisse repliée sur elle-même, peureuse et vivant dans la nostalgie, et celle d'un pays conscient de ses atouts, interconnecté et tourné vers l'avenir. » Mythologie du réseau, génération Facebook, érigée face au crétinisme alpin de quelques idiots de village, perclus de solitude et incapables de rompre avec leur passé : ce petit jeu d'urbain branché passe peut-être dans les quartiers bobo de Genève et de Lausanne. Il n'est pas si sûr que le « peuple de la nuit » l'entende ainsi. Nous le verrons au soir du dimanche 23 octobre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L’Homme debout

     

    Sur le vif - Jeudi 26.05.11 - 10.52h

     

    En politique, mais au fond partout aussi dans la vie, j’ai besoin d’avoir face à moi des hommes debout. Quand je dis « hommes », c’est bien sûr « hommes ou femmes », ne venez pas m’emmerder avec l’épicène.

     

    Restons à la politique. Christian Grobet est un homme debout. A 70 ans, il se bat comme au premier jour. Rude, rugueux, insupportable. Détesté. C’est sa grandeur. Un homme qui cherche à être aimé est déjà mort. Il vivra une autre vie, sans doute agréable, qui ne m’intéresse pas.

     

    Pierre-Yves Maillard est un homme debout. Mon ami Vincent Pellegrini, qui paye très cher la solitude de ses options spirituelles, et néanmoins ne les renie pas, est un homme debout. Philippe Barraud, seul sur son site comme Siméon le Stylite au milieu du désert, est un homme debout. Les moines, les sœurs, les ordres mineurs sont des congrégations d’hommes et de femmes debout. Parce qu’ils ont choisi. Mon autre ami Jean-François Duchosal, qui chemine en pèlerin, est, avec une inimaginable puissance, un homme debout. Alberto Velasco est un homme debout.

     

    Il y a tant d’hommes et de femmes debout, dont il faudrait parler. Dans les marges. Marge de gauche (Salika est une femme debout), marge de droite, irrédentistes préconciliaires, vieux fous, imprécateurs, défenseurs des pauvres et des malades, infirmières d’EMS, tant d’anonymes à qui je veux, ici, rendre hommage.

     

    Et puis, quelque part au niveau du sol, il y a l’homme couché. Horizontal. Celui qui ne vit que par le réseau, le cocktail. Oui, il y a la nauséabonde multitude des faux amis, tout comme il y a, chez Verlaine, le sublime poème des « faux beaux jours ». Lumière, étincelante, de la syllabe.

     

    Uli Windisch, attaqué de partout par la cléricature, est un homme debout. Tout comme Jean Ziegler est un homme debout. Freysinger, Despot sont des hommes debout.

     

    Cyril Aellen est un homme debout. Qu’on retrouvera, un jour.

     

    Je n’ai parlé ici ni des saints, ni des héros, ni d’ailleurs des salauds. L’homme horizontal, l’homme de cocktail, n’est même pas un salaud. Il y a, chez le salaud, comme une majesté du mal dont l’homme en réseau n’est même pas digne.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Cyril Aellen : la race des seigneurs

     

    Sur le vif - Mercredi 25.05.11 - 11.23h

     

    La « race des seigneurs » : c’est le terme employé hier, à Troinex,  par Jacques-Simon Eggly pour saluer Cyril Aellen, président sortant du parti libéral genevois, le dernier président que les libéraux auront connus. A coup sûr, l’un des meilleurs.

     

    Là où d’autres, en certain parti cousin, se sont contentés, sous l’étiquette et l’apparence présidentielles, d’assumer la conciergerie du parti, les vraies décisions étant prises ailleurs (ce que tout le monde sait, et nul ne dit), Cyril Aellen, lui, s’est comporté en chef et en responsable. Président, il a défini une stratégie, d’ailleurs toujours plébiscitée par les assemblées, il a opéré des choix, défini une vision à long terme, mené combat, jamais trahi sa parole, tenu le cap. Exactement ce qu’on attend d’un capitaine. Ces stratégies, on peut bien sûr les contester (pour ma part, je les considère comme justes, et seules porteuses de long terme), mais au moins elles impliquent le courage d’un choix. « Gouverner, c’est choisir » : oui, il y a quelque chose de la rigueur mendésienne dans le comportement politique de cet homme qui n’a même pas encore quarante ans.

     

    Lundi prochain, le nouveau parti, unifié, désignera un président. Qui ? Le pire serait, pour ménager les tensions, de porter son choix, par défaut ou par annulation, sur un concierge. Un intendant. Un Mister Nobody. Un bailli. De nos jours, le président incarne le parti, il est dans les médias, sous les projecteurs. Il faut une personnalité forte. Indépendante. Libre de ses actes. Frondeuse. Dérangeante. En avance sur tous les autres. Exactement ce qu’aura été Cyril Aellen.

     

    L’homme, dans les temps qui viennent, va devoir traverser le désert. Aujourd’hui, le petit clan de l’ombre  qui le poignardait, par spadassins interposés, dans le Matin dimanche, s’imagine qu’il a gagné. Il aura vite fait de déchanter. Si la force de nuisance de ce pronunciamiento permanent réussit à imposer son venin dans le futur parti, alors le PLR genevois est mort-né.

     

    Cyril Aellen est, à Genève, l’un de nos meilleurs espoirs politiques. Il a du courage, de la vision, de la fidélité. Je suis persuadé qu’un jour ou l’autre, on le retrouvera dans des fonctions signalées. Au service de la République.

     

    Pascal Décaillet