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  • La gauche, la droite : plus vivaces que jamais !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.10.24

     

    L’une des grandes illusions des trente dernières années a été la prétendue abolition de la fracture gauche-droite. On nous a présenté ces deux grandes familles, fondatrices du combat politique depuis la Révolution française, comme caduques, éculées, reliques d’un autre temps. C’est une erreur immense, une de plus de cette génération qui, née de la chute du Mur de Berlin, prétendait construire l’avenir sur un grand consensus planétaire, avec le seul marché comme moteur de rapprochement entre les peuples. Immense illusion, coupable, négatrice de l’Histoire. Ce genre de construction, purement intellectuelle, échafaudée par des individus ne s’étant jamais frottés à l’étude du trajet intrinsèque à chaque peuple (la France, l’Allemagne, la Russie), doit être condamnée avec la dernière énergie. En politique, il n’y pas de relativisme : il y a des gens qui voient juste, et des gens qui voient faux.

     

    Ils ont vu faux. La gauche, la droite, en Suisse, en France, en Allemagne, en Italie, ça existe encore, plus que jamais. Prenons la Suisse, le grand dossier de la santé : une fois élagués les projets beaucoup trop complexes du Parlement, rejetés à juste titre par le peuple, c’est la démocratie directe qui tranchera le Nœud Gordien. Elle le fera en se prononçant sur un grand projet simple, facile à comprendre, impliquant une vision de société. Ce sera pour dire OUI, ou NON, à une Caisse publique (cantonale ou fédérale), ou à une Caisse unique, même si nous avons déjà voté sur ces modèles. Ce sera un vote autour d’un projet de société, plutôt libéral (statu quo, concurrence entre Caisses privées), ou, comme je j’appelle de mes vœux, plutôt étatiste. Ce ne sera pas un vote d’actuaires, ni de spécialistes en assurances sociales, mais une décision souveraine de plusieurs millions de citoyennes et citoyens de ce pays. Et il se jouera, n’en déplaise aux bobos du Marécage, sur une fracture, au sens très large, entre la gauche et la droite.

     

    Rien, en politique, ne se construit autour du centre. C’est une grande illusion, macronienne, que de croire en ce mythe. En Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, il faut d’abord arriver dans l’arène avec des idées claires, courageuses. On se combat. Et si on fait des compromis, c’est après la lutte, et non béatement, au début. Parfois, la gauche gagne, parfois la droite. Et cet antagonisme, parfaitement décrit par Karl Marx dans tous ses livres, et même déjà dans ses articles de jeunesse en Rhénanie, ce combat, ces étincelles, c’est justement cela, la démocratie. Elle se nourrit d’idées, et il est totalement légitime que ces idées soient contraires les unes aux autres. Le peuple fait la synthèse. En Suisse, il est incroyablement rompu à cette sagesse, donnant parfois des gages aux forces de progrès (13ème rente AVS, 3 mars 2024), parfois à celles de la conservation, voire de la tradition. La gauche, la droite, plus que jamais, sont des clefs de lecture pertinentes dans l’action politique. Elles ont, l’une comme l’autre, leur place dans la Suisse d’aujourd’hui.

     

    Pascal Décaillet

  • Neuf mots, comme du diamant

     
    Sur le vif - Mardi 29.10.24 - 15.46h
     
     
    "Das tritt... nach meiner Kenntnis… ist das sofort, unverzüglich !"
     
    Günter Schabowski - Porte-parole gouvernement DDR - 09.11.1989
     
    Jamais, depuis 35 ans, je ne puis réentendre ces neuf mots sans être pris du vertige qui m'avait saisi, le jour même, à la RSR, en voyant arriver la première dépêche sur la décision de la DDR d'ouvrir ses frontières. Un monde, celui dans lequel j'avais grandi, s'effondrait. Un autre émergeait. L'Histoire passait.
     
    Ces neuf mots, c'est de l'intensité dramaturgique, à l'état pur. Du Brecht. Du Heiner Müller. Du diamant.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • La Suisse doit se réinventer une passion industrielle !

     
    Sur le vif - Lundi 28.10.24 - 10.08h
     
     
    L'industrie suisse se meurt, le Conseil fédéral se tait. Il tournicote autour des affaires de santé, se livre en otage aux puissances financières. Il patine en matière européenne. Il se tait sur le Proche-Orient. Il s'inféode à l'Oncle Sam sur l'Ukraine. Et, accessoirement, nous offre un océan de silence face aux difficultés de notre sidérurgie, enfin ce qu'il en reste, après quatre décennies d'abandon de toute ambition industrielle, au profit d'une société de "services" consistant, en absolue priorité, à "servir" les actionnaires, laisser l'outil de production émigrer à l'étranger, ne même plus savoir ce qu'est, par exemple, la métallurgie. Ce Conseil fédéral est aux fraises. Pas les fraises suisses ! Celles d'Andalousie, qu'il laisse importer sans vergogne.
     
    La Suisse laisse s'effondrer la verrerie de Saint-Prex, fleuron du savoir-faire dans l'Arc lémanique. Elle laisse expirer les aciéries de Gerlafingen (SO). Notre ministre de l’Économie n'a aucune vision industrielle, aucune ambition de réinvention, il laisse juste ses compatriotes vaudois, sous la forme d'une bande de snobinards lausannois, surexcités par la proximité d'une grande école, se gargariser du mot "innovation", parler anglais, courir les cocktails en répétant le mantra "start-up". C'est peu, Monsieur le Conseiller fédéral. Le ministère fédéral de l’Économie ne se résume pas à signer des accords de libre-échange. Il faut avoir quelque chose à échanger. Et il faut avoir, aussi, le minimum de culture industrielle pour saisir le rôle viscéral, essentiel, de la métallurgie, produite en sites propres, chez nous, principalement pour notre marché intérieur. C'est cela aussi, la souveraineté. Demandez aux gens de la Ruhr, de la Silésie, de la Lorraine : ils en savent quelque chose !
     
    La Suisse doit sauver sa production d'acier, et la relancer avec enthousiasme. Elle doit encourager les jeunes aux travaux de la sidérurgie et de la métallurgie. Elle doit former ses ingénieurs, avec l'enthousiasme de la réinvention, à faire carrière dans ces secteurs. Elle doit lancer un plan national de la résurrection industrielle. En faire une politique active, imaginative, enthousiasmante. Où le rôle de l'Etat doit aller beaucoup plus loin que la dérisoire formule de "conditions cadres". La Suisse doit pratiquer un protectionnisme industriel, tous le font, à commencer par les géants que sont la Chine et les Etats-Unis. Pas un protectionnisme passif, recroquevillé. Non, un protectionnisme passionné, patriote, fourmillant de réinvention.
     
    Pour cela, Monsieur le Ministre, il faut une vision. Vous n'en avez pas. Le Conseil fédéral n'en a pas. Tout au plus, cette lâcheté du langage nommée "conditions cadres", traduisez abandon du politique face aux puissances financières, juste se plier en quatre pour leur arranger une fiscalité favorable. Bref, les élus du peuple suisse se comportent comme s'ils étaient chargés de la conciergerie du grand capital. Citoyen de ce pays, entrepreneur, passionné d'industrie et d'économie vraie et productrice, j'ai d'autres attentes pour la politique de mon pays.
     
     
    Pascal Décaillet