Sur le vif - Mardi 11.06.24 - 10.16h
Dissolution de pure convenance personnelle ! Le Prince-Président renvoie chez eux 577 représentants du peuple, légitimement élus pour cinq ans, en 2022. Ils étaient encore là pour trois ans ! Ils n’avaient strictement rien à voir avec le scrutin européen de dimanche.
C’est une Histoire passionnante que celle de l’Assemblée Nationale française. Elle tire ses origines de la pensée de Montesquieu, mais aussi des États-Généraux d’Ancien Régime, qu’aucun Roi ne songeait jamais à convoquer. Et plus encore, bien sûr, de la Convention révolutionnaire. Lisez absolument « L’Histoire de la Révolution française », de Jules Michelet, qui nous en retrace les grands combats, avec génie.
Le droit de dissolution, réminiscence bonapartiste, abus de pouvoir de la République gaullienne depuis 1958, ne devrait pas exister dans une démocratie moderne. Tout au moins une telle décision devrait-elle provenir du suffrage universel, le même qui élit l'Assemblée, par consultation rapide, dans les cas extrêmement graves, en aucun cas par le caprice du seul chef de l'exécutif, pouvoir séparé, auquel le Parlement ne doit rien.
Pour nous, Suisses, si profondément attachés au chemin démocratique, à la primauté souveraine du peuple, ce droit de dissolution du Prince est tout simplement ahurissant.
Aux européennes, une masse montante du peuple français a demandé le retour à la souveraineté nationale, à la souveraineté économique, et il a exigé une régulation draconienne des flux migratoires. C’est cela qui compte, et cela seulement, ce triptyque, venu du fond du peuple français.
Cette triple exigence est thématique. Elle impliquait assurément un changement radical de politique, mais nullement de prendre en otages les voies démocratiques françaises par un tour de passe-passe. La réponse du Prince-Président est au-dessous de tout.
Cette entourloupe indigne marque la fin d’une belle République, dont j’ai exactement l’âge, étant né au moment du retour au pouvoir de Charles de Gaulle (juin 58), et dont je suis le destin depuis l’enfance. Cette Cinquième République, grâce à la stature exceptionnelle de son fondateur, a permis de grandes choses. Tout comme la période du 26 août 44 au 20 janvier 46, sous la direction du même homme.
Mais aujourd’hui, c’est fini. Le Prince-Président fait joujou personnel avec les instruments forgés par un géant. Il joue avec la foudre. Il joue avec le feu.
La France est une grande nation d’Europe. Elle mérite mieux que ce dévoiement indigne de ses institutions. À elle, en toute souveraineté, de tracer les voies du renouveau. Nous sommes au bord d’un changement de paradigme majeur, historique. Le statu-quo est à bout de souffle.
Pascal Décaillet