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  • Pompidou : un livre à lire, absolument

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    Notes de lecture - Lundi 24.12.12 - 16.30h

     

    Des années de présidence de Georges Pompidou (1969-1974), je me souviens comme d’hier. J’avais entre onze et seize ans, me passionnais pour la politique, suivais toutes les informations et les débats en radio et en télé, dévorais le Monde, tous les samedis, à la Bibliothèque municipale. Enfant, j’étais très attaché à la personne du général de Gaulle. Adolescent je découvrais, par d’infinies lectures, ce qu’avait été sa politique. Et c’est vrai, même si j’avais (comme tout le monde) beaucoup de respect pour Pompidou, je peinais à envisager le deuxième président de la Cinquième République pour lui-même, ne voulais voir en lui qu’une excroissance post mortem, plus humaine et moins majestueuse, du grand homme qui s’était éteint le 9 novembre 1970.

     

    Évidemment, j’avais tort. Georges Pompidou (1911-1974), est un homme en tous points remarquables, d’une immense lucidité politique. Il a certes attaché son destin (1944-1968) à celui du Général, mais l’intimité de ce lien n’a rien d’une confusion, encore moins de la disparition d’une personnalité au profit d’une autre. Simplement, entre 1962 et 1968, Pompidou a exercé le pire job qui se puisse concevoir, Premier Ministre d’un géant. Comment voulez-vous, alors que l’autre, le fou, le prophète, occupe tout l’espace, espérer pour vous la moindre existence ? La France, en ces années-là, est présidée par un homme d’exception, un Richelieu, un Carnot, un Bonaparte, un Clemenceau : comment pouvez-vous imaginer que le Premier des ministres soit autre chose qu’un exécutant, au mieux talentueux ?

     

    Eh bien justement, cette vision aussi (qui était mienne, comme enfant, dans les années soixante), est fausse ! Les « Lettres, notes et portraits / 1928-1974 », qui viennent de sortir chez Robert Laffont, et qui se délectent goulûment, nous montrent un Pompidou souvent en désaccord, menaçant de partir (à propos de l’exécution de Jouhaud, l’un des auteurs du putsch d’Alger en avril 1961 ; de Gaulle cédera), ne se laissant pas faire par le Secrétariat général de l’Elysée (qui a pour vocation immémoriale de court-circuiter Matignon). Surtout, un Premier Ministre beaucoup plus au contact de la population, des réalités de la France, que l’homme de l’Histoire, tout en haut, sculptant son destin. Bref, un sage, un conservateur, un homme d’instinct et de bon sens, toutes choses que, de son vivant déjà, nous pressentions tous. C’est pourquoi nous le respections. Il était moins visionnaire, moins fou, moins génial, n’avait pas eu à en découdre avec les mêmes équations historiques, il était l’homme de la paix, du progrès, de l’industrialisation. L’homme des trente glorieuses. L’homme d’une France qui se croyait apaisée. Lire Annie Ernaux, sur ces années Pompidou, c’est tellement juste et tellement bien écrit.

     

    Je regarde mes livres, une chose me frappe. J’ai une bibliothèque entière (collectionnée dès le début des années septante) sur de Gaulle, à peu près la moitié sur Mitterrand, et seulement… trois ouvrages sur Pompidou ! D’où mon bonheur à m’être précipité sur ce dernier bouquin, fruit du travail d’Alain Pompidou (fils du président) et d’Eric Roussel, magnifique spécialiste, notamment, de Pierre Mendès France. Ils l’ont édité, mais l’auteur, c’est Pompidou lui-même ! Lettres, fort nombreuses, très grande fidélité en amitiés (Pujol, Senghor), échanges avec le Général, avec Mauriac, avec ses ministres, avec des journalistes (qu’il n’hésite pas à engueuler sur des erreurs factuelles ou des légèretés de méthodes). Pompidou écrit bien, sans avoir la majesté grand siècle d’un de Gaulle, ni  la sensualité de plume d’un Mitterrand. Son écriture est celle d’un Normalien de grande culture, sans plus. Vous me direz que ça n’est déjà pas si mal ! Sans doute eût-il laissé, si la mort ne l’avait fauché à l’âge de 63 ans, des Mémoires plus achevés, qui nous eussent permis de jauger davantage la plénitude de son style.

     

    Sa mort ! Je l’ai vécue comme des millions de personnes. J’allais sur mes seize ans, j’étais, avec mes parents, en train de regarder un film terrible, « L’Homme de Kiev », une histoire d’antisémitisme en Russie, sous Nicolas II. Soudain, interruption du film, speaker, « Mesdames et Messieurs, le président de la République est mort ». C’était le 2 avril 1974, je ne l’oublierai jamais.

     

    Ce livre nous apprend beaucoup de choses, mais ne résout pas tout, notamment l’énigme de son inaction politique pendant la guerre. Il a tout de même la trentaine, une culture vaste, une appréhension solide du réel. Mais non, l’agrégé de Lettres ne s’engage pas. Ni dans la Résistance, ni du côté du Maréchal. D’autres, beaucoup plus jeunes, d’un côté comme de l’autre, avaient pourtant pris des risques, les uns les payant lourdement à la Libération, les autres s’en trouvant largement récompensés.

     

    On aurait aussi aimé, sur la brouille avec le Général (entre juillet 68 et avril 69), en apprendre davantage. Il y a bien quelques allusions à l’affaire Markovic, mais elles ne font qu’effleurer l’ouvrage ; on sait que la cicatrice fut très dure. Passionnantes, en revanche, les notes personnelles laissées en 1973 sur quelques grandes figures de l’époque. Sur Poher, président du Sénat et son rival à la présidentielle de 1969, Pompidou est délicieusement assassin. Sur Chaban, qui n’est déjà plus son Premier Ministre (1969-1972), il se montre très dur, et confirme la future exécution (par Chirac) d’avril 1974. Sur Mitterrand, il voit à juste titre que l’homme n’a rien de socialiste, mais hélas le sous-estime largement. Sur Debré, Senghor (son ami de toujours, devenu président du Sénégal), il est élogieux.

     

    Je recommande ce livre. À ceux qui, comme moi, furent dans leur jeunesse les témoins de ces années-là. Aux plus jeunes, surtout, qui voudraient en savoir un peu plus sur le deuxième président de la Cinquième République. Un homme d’une très grande valeur. Qui mérite assurément d’être revisité.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Georges Pompidou - Lettres, notes et portraits / 1928-1974 - Editions Robert Laffont - 539 pages - Octobre 2012

     

     

     

  • Echange automatique de trahisons

     

    Sur le vif - Dimanche 23.12.12 - 17.58h

     

    À très juste titre, le président du PLR suisse, Philipp Müller, attaque la ministre fédérale des Finances, parlant de « jeu trouble » dans les positions qu’elle multiplie – et les gages qu’elle donne, unilatéralement – à l’Union européenne, dans le dossier fiscal. En se disant « prête à discuter » sur l’échange automatique d’informations, Eveline Widmer-Schlumpf fait en effet cavalier seul, laisse imaginer aux Européens une concession qui n’existe que dans sa tête, et dans celle de la gauche, en aucun cas au sein de son collège, encore moins au Parlement, ne parlons pas de l’opinion publique de notre pays. Du coup, le patron du PLR demande que la  conseillère fédérale, qui a accumulé bourdes et concessions, soit dessaisie du dossier de la négociations fiscale avec l’UE. Il a parfaitement raison.

     

    Dans le dossier fiscal, la Suisse est en guerre. Certains de nos voisins, endettés jusqu’au cou parce qu’ils ont géré beaucoup moins bien que nous leurs dépenses publiques, dilapidant sans compter, veulent notre peau pour se renflouer. Certaines places financières étrangères, concurrentes de la nôtre, autrement prédatrices sur le plan des méthodes, veulent saigner la Suisse. Dans ces conditions, sur ce point-là, notre pays doit se considérer comme en guerre. Et les négociations doivent se faire au couteau. Ne rien lâcher. Se souvenir à tout moment que nous sommes un pays souverain, indépendant, certes ami de nos voisins, certes désireux des meilleures relations avec l’Union européenne, mais en aucun cas disposé à se faire dévorer par des rapaces. Notre système fiscal est le fruit de notre Histoire, de nos décisions internes, de notre dialectique démocratique : nous n’avons pas à paniquer, et à le réformer dans l’urgence, sous le prétexte qu’on fait pression sur nous.

     

    Reste le problème Widmer-Schlumpf. Quand on aura bien voulu se dessaisir de la béatitude face à la Grisonne, on arrivera peut-être à parler de cette dame avec la lucidité qui s’impose. Pourquoi ce double discours ? Pourquoi ces concessions précipitées ? Pourquoi ce rapport si trouble, si flanchant, si fragile, à la notion de loyauté ? Souvenons-nous tout de même : conseillère d’Etat grisonne, acceptant dans le plus grand secret de devenir conseillère fédérale si on parvenait à dégommer Christoph Blocher, ministre en poste de son propre parti, elle fut déjà, en cet automne 2007, une championne du double jeu. Titrant « la droite trahie » une heure après la non réélection du Zurichois, publiant sous ce titre mon édito du Nouvelliste du lendemain (13 décembre 2007), j’ai affronté, à l’époque, une brouille de plusieurs mois avec le président du PDC suisse. Je considérais le message comme catastrophique pour l'unité des familles de droite dans notre pays, et aussi pour l'image d'une démocratie chrétienne qui ne m'a jamais été indifférente, cela pour mille raisons, notamment familiales.

     

    Car cette alliance de hasard avec la gauche a donné le ton dans pas mal de cantons, brouillant ainsi le message au sein des familles de la droite suisse, pour plusieurs années. A Genève, dès sa réélection en 2009, c’est un ministre radical qui compose avec les Verts, traitant comme des Gueux des cousins de droite qui devraient être ses alliés. Dans le canton de Vaud, c’est un candidat PLR, l’automne 2011, qui bâtit toute sa campagne sur la diabolisation de l’UDC.

     

    L’intervention musclée du président du PLR suisse, hier dans le Tages Anzeiger et le Bund, remet les pendules à l’heure. Et nous rappelle la singularité de ce système où le premier parti du pays, de loin, n’a droit qu’à un seul conseiller fédéral, socialistes et PLR, pourtant loin derrière, en ayant deux chacun. Quant à Mme Widmer-Schlumpf, dont la fidélité à des valeurs ne semble pas l’obsession première, il conviendra à ceux-là même qui l’ont portée au pouvoir, d’en tirer les conséquences. Il en va de l’intérêt supérieur de notre pays.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Ciao, Mario !

     

    Sur le vif - Dimanche 23.12.12 - 11.31h

     

    Mario Monti hésite à se porter candidat aux législatives (hier soir). Mario Monti peu enclin à être candidat (ce matin). Mario Monti se tâte. Mario Monti doute. Mario Monti pèse le pour et le contre. Mario Monti a longtemps hésité à annoncer sa démission. Puis Mario Monti a prononcé un discours pour prévenir qu'il allait bientôt, tout en hésitant encore, faire un autre discours pour annoncer sa démission.



    Les peuples - et notamment l'Italie - n'ont pas besoin d'intellectuels torturés à leur tête. Mais de vrais capitaines, capables de s'engager, risquer, décider.



    Mais vous comprenez, Mario Monti, dans la tête et la plume de nos beaux esprits et éditorialistes, ne peut être qu'un type très bien, puisqu'il a succédé à Berlusconi. Ah, ce monsieur si bien, si sérieux, si gris, si austère, qui nous venait de la technocratie européenne la plus inodore, et qui allait sauver la Péninsule.



    La sauver de quoi ? D'elle-même ? De ses rêves ? De ses désirs ? La délier de son attachement à des hommes forts, qui réussissent ? Au-revoir, Monsieur Monti. Surtout, n'hésitez pas à revenir. Mais tâtez-vous encore un peu. Ca n'est pas très moteur. Mais ça fait du bien.

     

    Pascal Décaillet