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  • Le charpentier de Nazareth

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.03.23

     

    En quelques jours, tout a été liquidé. Le Crédit Suisse, deuxième banque du pays, fondée en 1856 par le prestigieux radical zurichois Alfred Escher, l’homme du tunnel du Saint-Gothard, l’un des pères mythiques de la Suisse moderne, a été subitement pris dans une tourmente, aspiré par un courant d’une puissance dévastatrice, et finalement désintégré ce dimanche 19 mars 2023, en début de soirée. C’était le jour de la Saint Joseph, un homme simple et aimant, modeste charpentier, père de famille, un homme bien, avec le sens du devoir. Selon nos informations, cet artisan, actif il y a deux mille ans, et inscrit au Registre du Commerce de Nazareth, ne portait ni costume, ni cravate, ni montre de luxe.

     

    On nous disait "too big to fail", il paraît que c’est de l’anglais, la langue des puissants, ceux qui connaissent la grande finance, les investissements à risques, les fonds spéculatifs, et qui, contrairement à Saint Joseph travaillant le bois, ne se salissent jamais les mains. On nous disait ça, mais le géant est tombé, pulvérisé. Déjà, se souvient-t-on qu’il fût jamais ? Dimanche, c’était le Crédit Suisse, et demain ? Quel puissant d’aujourd’hui, imbu de son arrogance, connaît-il son destin ? Chacun de nous, peut-être, se prend pour un géant, et pourtant un beau jour retournera en poussière.

     

    Nous, les Suisses, interrogeons-nous sur nos valeurs. La banque en est une, assurément. Mais la cohésion sociale, la fraternité à l’intérieur du pays, en est une autre. Simple, et souriante. Comme Joseph, le charpentier de Nazareth.

     

    Pascal Décaillet

  • La droite non-libérale, ça existe!

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.03.23

     

    Je suis, profondément, un homme de droite. Et pourtant, je ne suis pas libéral. En tout cas pas au sens où l’on entend ce mot, notamment sous influence anglo-saxonne, depuis une trentaine d’années : disparition de l’Etat et des frontières, mondialisation du capital, affaiblissement des services publics, délocalisations, création d’entreprises de taille monstrueuse, à vocation planétaire, sans racines nationales, ouverture des marchés sans contrôle, libre-échange sans entraves, précarisation du travail au profit de la grande finance. Ce modèle, je n’en veux pas. Je n'en ai jamais voulu. Depuis l’adolescence, je me sens très puissamment de droite, mais pas de cette droite-là. La mienne est nationale, patriote, culturelle, follement attachée aux langues et leur Histoire, aux textes, à la vie du verbe et de l’esprit.

     

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on ne parle plus guère de cette tradition de pensée, qui avait été avant-guerre celle de très grands penseurs, hommes de culture et polémistes français. Je citerai Péguy ou Barrès, Emmanuel Mounier (la Revue Esprit), et tant d’autres, dont la lecture m’a tellement nourri, depuis un demi-siècle. On n’en parle plus, et c’est un tort, immense. Les libéraux ne peuvent concevoir une droite qui renie la libre circulation sauvage des personnes et des marchandises. La gauche, de son côté, est persuadée de détenir le monopole sur la pensée de l’Etat, ses missions, et sur la défense des plus faibles. Eh bien moi, je ne suis ni de gauche, ni de la droite appelée depuis trente ans « libérale ».

     

    Il y a pourtant, dans ce camp, les libéraux, des personnes qui m’ont marqué : Olivier Reverdin (1913-2000), qui fut mon professeur, ou plus récemment le député Cyril Aellen, homme de rigueur financière et d’ouverture. Mais désolé, la dérive ultra-libérale, survenue après la chute du Mur de Berlin, a tout foutu en l’air. Elle a dévoyé, par absorption du sens, l’idée même du libéralisme. Au moment où la Suisse vit des heures graves dans son secteur bancaire, les ravages de l’ultra-libéralisme montrent l’étendue du mal. Tout cela, pourtant, était prévisible dès la chute du Mur, et le champ ouvert au seul capitalisme d’inspiration anglo-saxonne. Nous avons, dans cette Europe continentale que nous aimons tant, en Suisse, en Allemagne, en France, en Italie, d’autres valeurs que cette tribale dévotion au Veau d’or du profit. Les grands Ordres chrétiens, qui nous ont façonnés, puis le legs inestimable de la Révolution française, qui a tant influencé les plus grands esprits allemands des décennies suivantes, tout cela nous transmet un autre héritage que celui de l’hystérie autour des Bourses.

     

    Alors oui, on peut être un homme de droite, petit entrepreneur, partisan de la concurrence, de la liberté du commerce, des PME, des petits indépendants, oh oui, mais avec un Etat fort. Un Etat solide, mais surtout pas tentaculaire, voilà pourquoi je ne suis pas un homme de gauche. On peut être cet homme-là, d’une droite nationale, joyeuse, sociale et fraternelle. Construite autour de la Patrie. C’est mon ambition, pour le pays.

     

    Pascal Décaillet