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Assurance maladie : la parole politique est ruinée

 
Sur le vif - Mardi 26.09.23 - 15.46h
 
 
J'ai couvert à Berne, il y a trente ans, tous les débats parlementaires ayant donné naissance à la loi sur l'assurance maladie. Déjà à l'époque, dans mes commentaires, je condamnais le paradoxe entre obligation de s'assurer et mise en concurrence féroce des Caisses. Il faut choisir : un système d'Etat, ou la jungle libérale. Nous eûmes le mélange des pires : le pire de l'Etat, avec sa technocratie ; le pire du libéralisme ultra, qui laisse la santé des gens à la merci des requins.
 
En trente ans, j'ai suivi l'intégralité du dossier. J'ai vu défiler Ruth Dreifuss, Pascal Couchepin, Didier Burkhalter, Alain Berset. Quatre échecs successifs. Monumentaux. L'Histoire de l'assurance-maladie, en Suisse, depuis trente ans, c'est celle de l'échec absolu du politique face aux puissances de l'argent.
 
Trente ans après, les classes moyennes de ce pays sont paupérisées comme jamais. Les moins nantis sont assistés, donc financés par l'impôt des classes moyennes. Nous payons plus de primes, plus d'impôts, plus de taxes, nous bossons comme des malades, nous n'en pouvons plus de payer.
 
Échec de la politique. Mais échec, encore plus fracassant, de la parole politique. Son crédit est dévasté, ruiné. Des ministres, cantonaux ou fédéral, osent encore arriver avec leurs "recettes", alors qu'ils ont été en place dix ans, ou plus. Des parlementaires sortants, à Berne depuis quatre ans, huit ans, douze ans, seize ans, ont encore le culot d'avancer leurs "pistes".
 
Passe encore pour la gauche, qui n'a jamais été suivie sur ses scénarios de Caisse publique, ou unique. Mais le Centre ! A part se réveiller in extremis, à l'approche des élections, qu'a-t-il entrepris, toutes ces années, contre le lobbyisme éhonté des représentants des Caisses aux Chambres fédérales ? Quant au PLR, à force de noyer le poisson sous des termes techniques, ennuyeux à mourir, ou de faire la leçon sur les "coûts de la Santé", en quoi a-t-il résisté à la puissance démesurée des forces de profit ?
 
La parole politique est ruinée. Celles des médias aussi, qui n'ont cherché noise à Alain Berset que sur d'insignifiants épisodes de sa vie privée, mais se sont bien gardés de l'attaquer sur l'essentiel : son échec, dans la LAMal.
 
La parole publique est réduite en cendres, dans ce pays. La gestion libérale de la Santé publique est un échec inimaginable. Nous devons nous tourner vers d'autres modèles, où le sens de l'Etat, celui du bien public, de l'intérêt général, doit prévaloir sur la mise en bourse de nos vies terrestres.
 
 
Pascal Décaillet

Commentaires

  • Peut-être que le système anglais NHS ou brésilien SUS (le Brésil a copié le Royaume-Uni) n’est pas mauvais. C’est clairement à deux vitesses. Donc un système universel de santé de qualité moyenne et un système d’assurance maladie privé facultatif souvent payée par les employeurs pour la classe moyenne et bourgeoise. De toute façon on ne pourra plus continuer longtemps avec ce système. C’est peut-être injuste mais un moyen de sauver la classe moyenne. Et oui la politique nulle et totalement perdue.

  • Cher Monsieur Décaillet,
    il ne s’agit pas du problème de l’assurance maladie mais de celui des coûts de la santé. N’oublions pas que les assureurs ne sont que des intermédiaires qui collectent l’argent des assurés pour le distribuer aux bénéficiaires finaux, à savoir les prestataires de soins. Il est indispensable pour aborder cette problématique de rappeler quelques ordres de grandeur incontournables. La confédération publie les chiffres des coûts de la santé en fonction de la source de financement (assurances maladie, collectivité publique) et de l’origine de ces coûts (hôpitaux, cabinets, médicament etc…). Les coûts de la santé à charge de l’assurance maladie obligatoire sont passé de 13 milliards en 2000 à 31 milliards en 2020, soit une augmentation de 140% ! L’augmentation des primes reflète étroitement l’augmentation des coûts. Les deux tiers de ces 31 milliards échoient aux cabinets médicaux privés et aux hôpitaux. Pendant la même période, la somme octroyée aux assureurs maladie eux-mêmes, est passé d’environ 700 millions à 1,5 milliards, soit une part à peu près stable d’environ 5% des coûts totaux de l’assurance maladie. Le restes de ces 31 milliards se répartit à parts plus ou moins égales entre les thérapeutes en tous genres, les médicaments et les soins à domicile. Notons que le nombre de médecins en suisse est passé de 25 000 en 2000 à 38 000 en 2020.

    Il n’y a pas de sympathie particulière à avoir envers les assurances maladie et leurs directions grassement payées. Cependant, seul 8 grands assureurs se répartissent le gros des assurés (84%), il n’y a donc pas une infinité de coûteux directeurs de caisse. Il y par contre 400 gastro-entérologues en Suisse, qui selon l’OFSP gagnent en moyenne 800 000 chfs par années (pour la période 2009-2014). Les neurochirurgiens, les oncologues et autres spécialistes engrangent des revenus similaires. Si vous rêvez d’être multimillionnaire en Suisse, faite médecine, n’essayez pas de devenir directeur de caisse maladie. L’argent des assurés ne s’envole pas dans le boursicotage des caisses ou la constitution de réserve faramineuse (ces fameuses réserves ne sont que des acomptes, qui s’élevaient à 8 milliards en 2022 (env. 3 mois de coûts), et qui au final servent à payer les prestataires de soins), il finit dans la poche des prestataires de soins, hôpitaux, médecins, thérapeutes, pharmaciens, industrie, cliniques privées, et autres services de soins à domicile.

    Reste à savoir si l’explosion des coûts de la santé est exagérée ou parfaitement justifiée par l’accroissement et le vieillissement de la population, auquel cas on ne peut rien y faire. La réponse se trouve peut-être du côté d’Appenzell Rh.-int. La concentration de médecin y est 4 fois moins élevée qu’à Genève et les primes y sont moitié moins chères. Et ce malgré le fait que la population Appenzelloise est plus âgée. Notons que cette parcimonie ne se fait pas au détriment de l’espérance de vie, qui y est plus élevée qu’a Genève. A ce titre, citons l’Office fédéral de la santé publique : « La santé et une espérance de vie élevée sont favorisées avant tout par une bonne répartition du bien-être matériel, une alimentation équilibrée et saine, des conditions de travail ne présentant pas de risque pour la santé et un environnement non pollué. Le statut social joue un rôle crucial : il détermine davantage l’espérance de vie que, par exemple, le fait de disposer de soins de santé de haute qualité. »

    Le seul moyen étatique de juguler les coûts est de limiter le nombre d’acteur pouvant se faire rembourser par l’assurance. Limiter les cabinets médicaux et les lits d’hôpitaux. Limiter le type de prestation remboursée. Toute autre mesure de type tarifaire ou « d’efficacité » serait immédiatement contournée par des prestataires de soins omnipotents, gaspilleurs et cupides, en augmentant simplement le volume des actes médicaux.

    La mise en accusation des assureurs et le débat sur la caisse unique n’est qu’un leurre commode pour une gauche qui n’a pas le courage de s’attaquer frontalement à la voracité d’un monde médicale devenu pachydermique. La gauche instrumentalise cyniquement et à des fins électoralistes la détresse des citoyens pris à la gorge, en désignant des bouc-émissaire faciles pendant que leur ministre élargit encore le catalogue des prestations. Il y a un potentiel d’économie immense, dans la réduction du nombre de médecins et thérapeutes et la diminution de leurs revenus, la suppression des prestations non-essentielles ou inutiles (par exemple, l’homéopathie), cela peut être fait immédiatement et avec des effets durables. Pendant ce temps, Michel Guillaume du Temps offre une page de publicité électorale au conseiller national Michel Matter qui prétend que l’augmentation des primes sert à éponger les pertes en bourses des assureurs. M. Matter est ophtalmologue, il gagne donc plus d’argent que le conseiller fédéral Berset, à savoir plus de 500 000 francs par année (sur la base des chiffres de 2014, selon une étude commandée par l’OFSP). M. Guillaume ferait bien de rappeler à ce monsieur son article d’il y a une année, qui mentionnait que le coût des spécialistes à la charge de l’assurance de base était passé de 4 à 7 milliards en 10 ans. Une augmentation qui représente le double de tout l’argent octroyé aux assurances maladie en 2020.

  • Permettez-moi de rectifier une erreur de mon commentaire précédant. Ce sont les neurochirurgiens indépendants qui, selon l’OFSP, gagnaient en moyenne 800 000 chfs (818 000 pour être exact) de revenu par année en 2014, les gastro-entérologues n’en touchaient que 684 000.

  • Le lien revoyant vers le communiqué de 2018 de la Confédération annonçant la publication de l'étude sur le revenu des médecin:

    https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-72699.html

  • Très bon commentaire. Merci!

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