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L'Italie, ses clans, ses ferments de dispersion

 
Sur le vif - Vendredi 23.09.22 - 16.41h
 
 
Après-demain, le peuple italien décidera souverainement du destin politique de son pays. Il le fera démocratiquement, selon le chemin des institutions, à l'issue d'une campagne électorale nourrie, dans laquelle tous ont pu s'exprimer.
 
L'Italie est une grande nation européenne. Son Histoire, depuis près de trois mille ans, nous la connaissons tous, ses richesses culturelles, l'incomparable beauté de sa langue, avec sa variété dialectale. Ses peintres, ses cinéastes, ses poètes.
 
Il est une question que je me pose depuis l'adolescence : l'Italie est-elle une grande nation politique ? La réponse n'est pas aisée. Le spectacle donné par ce pays, depuis 1946, est celui d'une extrême complexité parlementaire, face à des exécutifs faibles, furtifs. La puissance du politique, au sens large, apparaît bien fragile, bien précaire, face aux grandes familles, aux riches industriels, au pouvoir de l'Argent, aux ferments de dispersion des clans, des fiefs. La nation peine à s'affirmer. On a même l'impression qu'on "s'arrange" même plutôt bien sans elle.
 
Pire : cette impuissance semble programmée par le système. En 1946, lorsqu'il a fallu donner au pays de nouvelles institutions, après 23 ans de fascisme, on a tout fait pour éviter l'émergence d'un nouvel homme fort. L'Italie s'est voulue républicaine, elle a voulu montrer au monde l'exemple des pouvoirs équilibrés, où nul destin providentiel ne parviendrait à ravir la totalité de la puissance.
 
Elle a voulu cela, et elle y est si bien parvenue qu'elle a donné, en trois quarts de siècle, l'image d'un Etat où le politique peine désespérément à s'imposer. Et cela ne date pas de 1946 ! On peut même dire que le pouvoir fort, entre octobre 1922 et avril 1945 (ou juillet 1943, si on préfère), a plutôt été une exception, dans l'Histoire de cette nation si jeune, comme pays unitaire.
 
Après-demain, les Italiens choisiront. Ils le feront en toute indépendance, en toute souveraineté. Leur choix, quel qu'il soit, devra être respecté. Le destin du peuple italien appartient aux Italiens, non aux intellectuels parisiens, ni aux moralistes. Leur rapport à l'immigration, à l'Etat, à la nation, à l'indépendance, tout cela, c'est leur affaire à eux. Et à eux-seuls.
 
Pour ma part, je continuerai d'aimer ce pays. Il est complexe, pluriel, souvent déroutant. Il est le lieu de violentes forces antagonistes, où le politique est rarement gagnant. En août 1979, avec un ami, j'avais assisté au Palio de Sienne. Avec ses écuries rivales, ses "Contrade". Ses couleurs. Ses familles, ses clans de quartier qui se défiaient dans la joute. Il faisait une chaleur étouffante. Sur la Piazza del Campo, nous étions serrés comme des sardines. Dans le vacarme des chevaux, on ne voyait que la flamboyance des fanions. Et je crois que toute l'âme des Italies était là. Compliquée. Fragmentée. Familiale. Clanique. Picturale. Chromatique. Insaisissable. Irréductible à la vision unitaire d'un jacobin français.
 
Pour l'amateur d'art, c'est fantastique. Pour celui qui veut attendre quelque chose d'une action publique lisible et cohérente, au niveau d'une nation, c'est parfois un peu plus difficile.
 
A tous les Italiens, je dis mon amitié.
 
 
Pascal Décaillet

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