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Contre leur cécité, notre lucidité

 
Sur le vif - Lundi 14.02.22 - 10.38j
 
 
Il faut être clair. Et saisir l'ampleur de la défiance exprimée hier par le peuple suisse face au monde des médias. Il y a quelque chose de cassé, d'irréparable, je le signale ici depuis de longues années.
 
Il faut cesser d'incriminer les réseaux sociaux, la baisse du volume publicitaire, le prix du papier, le coût de l'acheminement. Le seul fait de parler encore de "papier", en 2022, d'oser mettre au centre du débat ce vecteur déclinant, émane d'esprits totalement dépassés par les habitudes actuelles de consommation. Comme si la marine marchande à voile avait dû être à tout prix soutenue, lors de l'émergence de la vapeur.
 
Ce matin encore, de pitoyables éditorialistes, partout en Suisse romande, nous démontrent leur impuissance à prendre la mesure du cataclysme d'hier. Ils veulent croire à des solutions de fortune, bricolées dans la précipitation pour tenter de faire avaler ce qui précisément fut sèchement refusé par le peuple, ce dimanche 13 février. Ne pas voir le réel, cela porte un nom : cela s'appelle le déni.
 
En vérité, c'est le statut même du journalisme, dans la Cité, qui est remis en question. J'ai profondément étudié, comme on sait, l'Histoire de cette profession, depuis Théophraste Renaudot (et surtout depuis la Révolution industrielle) jusqu'à nos jours. Je sais de quoi je parle. Le journalisme, oui, a joué un rôle dans notre démocratie suisse. Ce rôle, aujourd'hui, il ne le tient plus. C'est aussi simple, aussi cruel que cela.
 
D'innombrables personnes, aujourd'hui, sont parfaitement informées, sans lire un seul journal. Elles vont sur les réseaux, obtiennent des informations, beaucoup plus souvent de première main - et fiables - que ce qu'avancent... les journalistes. Elles y trouvent des débats, parfois odieux c'est vrai, lorsqu'il y a appel à la meute, je suis le premier à détester cela. Mais parfois lumineux. Avec la découverte de parfaits inconnus qui se révèlent cultivés, pleins d'esprit, curieux, partageurs de leurs connaissances. A nous de choisir ceux-ci, plutôt que ceux-là. A nous d'apporter nos passions, nos plumes, nos voix. Un exemple ? Ma Série Allemagne en 144 épisodes (32 sont déjà bouclés), c'est directement sur mon blog et mon site FB que, depuis des années, je la publie. Je n'ai aucune envie de papier, tout va très bien, ici, avec vous.
 
Et puis, plus que tout, il y a leur arrogance. "Nous sommes indispensables à la démocratie". "Nous permettons aux gens de se forger une opinion". "Nous sommes pédagogues avec le lecteur, pour qu'il saisisse bien les enjeux". Bref, tout ce petit monde a l'insupportable culot de se décrire lui-même comme porteur de lumière, de connaissance, de vérité. Il serait l'école du peuple, comme Athènes était, aux yeux de Périclès, "l'école de la Grèce" (Thucydide, II, 45).
 
Cette arrogance, le petit monde de la presse en a eu hier un début de rançon. Un début, seulement ! La sous-estimation catastrophique de la portée du scrutin par les éditorialistes, ce matin, doit nous amener, nous les citoyens, à aller plus loin dans la démonstration de notre défiance. Une piste, déjà, existe : l'initiative visant à réduire de moitié le budget de la SSR. Dans les circonstances présentes, elle a ses chances. Soit les médias suisses s'ouvrent à une vraie pluralité des idées, en cessant de stigmatiser constamment nos concitoyens partisans des frontières, de la nation, de la régulation drastique des flux migratoires, sceptiques sur le climatisme, le féminisme ultra, les théories du genre, soit le journalisme en Suisse disparaît. Là aussi, c'est aussi simple que cela. J'écris ces lignes, non comme tranquille observation, mais comme acte de combat. Je suis un combattant.
 
Les journaux ? Laissons-les aux jouissantes délices de la mort lente. Nous ne sommes pas pressés, eux non plus. Mais c'est notre lucidité, contre leur cécité. Et puis, nous verrons bien.
 
Pascal Décaillet

 

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